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Si un prince investi d’un titre temporaire au pouvoir avait poursuivi des perspectives qui ne pouvaient devenir plus vastes qu’en étant plus incertaines ; si, au lieu de s’unir résolument pour le maintien des traités avec l’Angleterre et avec l’Autriche, le régent, sans finances, sans armées et sans marine, avait compromis l’avenir de son pupille en suivant les ambitieuses traditions des deux règnes précédens, une pareille témérité aurait justifié, plus que n’ont pu le faire ses vices, toutes les calomnies des contemporains et toutes les sévérités de l’histoire.

Un instinct égoïste, mais très éclairé, fit faire au régent à peu près ce que lui aurait inspiré un sentiment plus élevé de ses devoirs. En resserrant par de nouvelles alliances le système des traités d’Utrecht, il servit les véritables intérêts de la France, quoiqu’il songeât surtout à ceux de sa maison. Le désir d’affermir sa position auprès du jeune roi après sa majorité et de s’assurer la reconnaissance de son pupille comme il avait déjà son affection le conduisit à reprendre pied à pied, pour la couronne, tout le terrain qu’elle avait un moment perdu, de manière à remettre aux mains de Louis XV le royaume dans la plénitude de ses forces et la royauté dans la plénitude de ses prérogatives. La pensée simultanée de conserver la paix et de fortifier l’autorité royale lui fit accueillir avec un empressement que l’histoire a le droit de condamner sans doute, mais qu’elle a aussi le devoir de comprendre, tous les projets présentés comme pouvant assurer la libération financière de l’état et dégager l’avenir des charges dont l’avait grevé le passé. Par un autre côté, tous ces projets, si extravagans qu’ils pussent être, servaient d’ailleurs la politique du régent, et le succès n’en devait malheureusement être que trop complet. On ne tarda pas à voir en effet l’esprit militaire dans la noblesse, l’ardeur des convictions religieuses dans la bourgeoisie, tomber devant les appels incessans adressés par le pouvoir à toutes les cupidités et sous l’exemple corrupteur des rapides fortunes. Une très courte analyse des faits, repris au point où les a laissés la première partie de ce travail, va nous montrer la régence accomplissant une bonne politique par de mauvais procédés, et nous allons, à travers les cris avinés de l’orgie, observer au Palais-Royal l’unité dans les vues, l’habileté dans les moyens, et cet heureux balancement de la modération avec la force auquel les factions ne résistent jamais.


II

Les difficultés allaient s’accumulant chaque jour autour du régent sans qu’elles parussent l’occuper, car les dissipations de sa vie semblaient moins révéler une ferme confiance qu’une sorte d’indifférence