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Vercingétorix vers Mantoche, ceux de César aux environs de la forêt de Champlitte. Entre eux deux se trouvait un large espace découvert, dont le centre est occupé aujourd’hui par le bourg d’Autrey, et où l’on pourrait, sans trop d’invraisemblance, reconnaître le théâtre du combat. On serait, il est vrai, un peu embarrassé d’y trouver la hauteur dont l’occupation fut décisive ; cependant il existe entre Poyans et Nantilly une colline, dont la cote ne diffère guère, il est vrai, des cotes voisines, mais qui enfin aurait pu à la rigueur jouer le rôle indiqué par les Commentaires. En continuant de remonter le fleuve, on ne rencontre plus d’emplacement convenable, et d’ailleurs, si César avait voulu le franchir au-dessus de Gray, il deviendrait impossible d’expliquer sa marche.

L’inspection de la carte ne présente donc pas d’objection absolue à ceux qui voudraient placer le combat qui nous occupe sur la rive droite de la Saône ; mais Vercingétorix, après avoir tout disposé pour faire de la Séquanie le théâtre de la guerre, était-il assez fou pour aller livrer bataille hors de ce territoire, dans un pays allié des Romains, avec la Saône à dos ? Et s’il était si pressé de combattre, n’avait-il pas une bien plus belle occasion en attaquant son ennemi pendant le passage du fleuve ? Poser de semblables questions, c’est les résoudre. Hâtons-nous de le dire, l’hypothèse que nous venons de discuter n’a été adoptée par personne ; mais nous avons voulu examiner scrupuleusement toutes celles qui se présentaient à notre esprit. Nous faisons cette étude sans nous laisser circonscrire par ce qui a pu être avancé de part ou d’autre, et en imposant à nos conjectures une seule limite, les assertions formelles de César : in Sequanos, c’est-à-dire se dirigeant vers la Séquanie sans y être ; per extremos fines Lingonum, c’est-à-dire par (auprès de, le long de, au travers de) la frontière des Lingons. Ajoutons que, jusqu’à ce qu’on nous donne d’autres moyens d’appréciation, nous considérons comme frontières probables des Lingons les limites de l’ancien diocèse de Langres, telles qu’elles sont indiquées par la Gallia christiana. Nous suivons en cela le système de d’Anville, qui consiste à retrouver dans les premiers diocèses chrétiens les anciennes tribus, républiques ou cités (civitates) gauloises.

Dussions-nous éprouver un peu la patience de nos lecteurs, nous recommencerons sur la rive gauche l’examen que nous venons de terminer sur la rive droite. Cette fois nous suivrons le fil de l’eau, et nous partirons de Gray.

Si César a passé la Saône entre cette ville et Mantoche ou Apremont, il faut, pour se conformer aux indications données par les Commentaires, placer les camps gaulois sur la Tenise ou la Résie ; mais ces deux petites rivières sont séparées du fleuve par la forêt