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l’ouest, et la plaine marécageuse dans laquelle elle s’étend est inondée dans la saison des grandes pluies. Ce sont les conquérans fellani qui l’ont bâtie, et son nom n’est autre que celui d’un des principaux quartiers de Kano. L’ancienne capitale du pays, sur laquelle Denham avait obtenu quelques renseignemens, était Gurin. Le nom d’Adamawa aussi est nouveau : la province qui le porte et qui l’a pris de son conquérant fellani, il y a trente ou quarante ans, s’appelait primitivement Fumbina. C’était un état païen fondé sur les ruines d’états plus petits, dont le plus important était le Kokomi ; sa soumission aux Fellani n’est pas complète, et il y a dans les montagnes plusieurs tribus païennes toujours en guerre avec les conquérans auxquelles elles ont résisté jusqu’ici avec succès. Le commerce et l’industrie sont peu développés dans l’Adamawa : c’est avant tout un pays agricole ; il est un des plus beaux et des plus fertiles de l’Afrique centrale, accidenté, bien arrosé ; le sorgho, qui en est la principale céréale, atteint jusqu’à dix pieds ; on y cultive le coton, mais non l’indigo. Les Fellani ont établi dans toute la contrée l’esclavage sur une immense échelle : les riches propriétaires comptent leurs esclaves par milliers, et l’on trouve dans le voisinage des villes de grands villages autour desquels ceux-ci cultivent le sol et élèvent du bétail au profit de leurs maîtres ; ils ont des surveillans, des chefs, et partent souvent en bandes pour faire des chasses ou ghazzias, et recruter de nouveaux esclaves sur les territoires païens. Parmi les animaux domestiques se remarque une espèce de bœufs gris, et hauts de trois pieds. Les éléphans, les rhinocéros, les bœufs sauvages, peuplent les forêts de l’Adamawa ; dans les eaux du Binué et de ses affluens, on trouve un cétacé appelé ayu, qui est une espèce de lamentin ; enfin M. Barth apprit que dans les montagnes il y a des mines de fer.

Le retour du voyageur au Bornu ne s’effectua pas sans péril : l’escorte de Fellani qui l’avait rendu redoutable aux populations inoffensives l’avait par compensation protégé contre l’agression des bandes qui dévastent la frontière des deux états ; toutefois sa prudence, et, comme il le dit, sa bonne fortune le préservèrent de tout malheur, et il rentra dans Kukawa, affaibli seulement par la fièvre dont il avait pris le germe au passage du Binué, et qui l’avait durement éprouvé dans son court séjour à Yola. Des marchandises pour la valeur de 100 livres sterling étaient arrivées d’Angleterre sur ces entrefaites : il les vendit, de concert avec Overweg, pour acquitter les dettes pressantes contractées depuis plusieurs mois par l’expédition ; mais cette vente ne se fit pas sans une grande perte, parce que les voyageurs étaient pressés d’argent. Or les affaires au Bornu se traitent à deux et trois mois, et le paiement se fait habituellement en esclaves, denrée que des Européens ne pouvaient accepter.

Réunis, MM. Barth et Overweg entreprirent, dans la région qui borne le Tsad au nord, un voyage destiné à compléter une grande reconnaissance accomplie par ce dernier avec le bateau anglais à travers le lac, et dont malheureusement les notes sont demeurées incomplètes par suite de la mort du jeune voyageur. Les deux Allemands se mirent en route vers le milieu de septembre 1851 pour rejoindre la bande turbulente qui devait les guider et leur servir d’escorte : c’est ainsi qu’une excursion faisait suite à l’autre, et que toutes les circonstances étaient mises à profit. Les pays qui de Kukawa remontent