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Le retour s’effectua en partie par des chemins différens de ceux que l’expédition avait suivis, ce qui permit à nos voyageurs de rendre leurs observations plus complètes ; partout le pays était fertile et coupé de cours d’eau où les crocodiles pullulent, et qui sont le principal obstacle aux voyages. Les cultures les plus générales sont celles du coton et du tabac ; les femmes ne fument pas moins que les hommes. On était alors au milieu de janvier 1852, et dans les endroits plats et sans abri le froid était très vif, le thermomètre marquait à six heures du matin dix degrés centigrades, les naturels en souffraient beaucoup, et c’était, dit Barth, quelque chose de déchirant que d’entendre les plaintes des pauvres prisonniers musgus que l’armée traînait avec elle. Ces malheureux étaient au nombre de trois mille environ, dont beaucoup de vieilles femmes et d’enfans de sept à huit ans, car les naturels vigoureux avaient eu le temps de fuir, et beaucoup d’hommes avaient été massacrés. Il y avait en outre dix mille têtes de bétail ; le tout fut partagé par les trois bandes alliées, Bornuans, Fellani et Shuwas, sur le territoire ennemi, puis on se sépara, et chacun rentra dans son pays.

De retour à Kukawa, leur quartier-général, les voyageurs se trouvèrent de nouveau aux prises avec les embarras financiers, aucun subside ne leur étant arrivé d’Angleterre. Barth fit réparer sa petite tente, vendit la grande, et, pourvu d’un mince bagage, il se mit en route sous la protection d’une escorte que lui donna le vizir de Bornu, et accompagné pendant la première journée de sa marche par son ami Overweg, qui, de son côté, se préparait à compléter l’exploration du Tsad. Barth allait, se dirigeant à l’est-sud-est, traverser les provinces de Kotoko, de Logone, puis entrer dans le Bagirmi. Sa principale ressource pour se procurer les objets nécessaires à sa subsistance consistait en aiguilles, dont il avait fait venir d’Angleterre une grande quantité, d’après les sages conseils de la relation de M. Beke, voyageur en Abyssinie. Les aiguilles, très recherchées de tous les Africains et si faciles à transporter en grande quantité, sont un des articles les plus utiles dont puisse se munir un visiteur du Soudan ; Barth leur dut le succès de ce voyage. Sa libéralité envers les pèlerins et les hommes savans, l’habitude où il était de tout payer uniquement avec cette marchandise le firent surnommer, dans le Bagirmi, Mataribra, le prince des Aiguilles.

Le pays que traversait notre voyageur est plat, coupé de cours d’eau, et présente les mêmes productions animales et végétales que ceux où nous l’avons déjà suivi. Les maladies vénériennes n’y sont pas rares, pas plus que dans les autres parties du Soudan ; la petite vérole exerce aussi de grands ravages dans toute l’Afrique centrale : M. Barth put s’en convaincre dès Agadès ; il est assez remarquable que certaines tribus païennes savent s’en préserver par l’inoculation, précaution que le préjugé religieux interdit aux musulmans. Le ver de Guinée, insecte noir qui se loge dans quelque partie du corps, souvent dans l’orteil, et s’y développe, les fièvres, les ophthalmies sont les autres maladies les plus fréquentes du Soudan. Le Kotoko, situé au sud-est du Tsad, fut autrefois une province puissante, ainsi que l’attestent ses villes, aujourd’hui ruinées, mais dont les constructions étaient bien supérieures pour la solidité et l’étendue à celles des pays voisins. Les Shuwas ou Arabes sédentaires s’y sont fixés en grand nombre. Le Logone, situé à