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l’Afrique occidentale, de voir Sokoto, de pénétrer dans Timbuktu, et, sans ostentation comme sans faiblesse, Barth détourne ses regards de l’Europe et prend la direction du Niger.


III. — LE NIGER.

Lorsque Barh se détermina à porter ses investigations du côté du Niger, l’état de la question en ce qui concerne ce fleuve était celui-ci : le cours supérieur connu jusqu’à Timbuktu, le cours inférieur jusqu’à Jauri et Boussa, lieu où, il y a cinquante-deux ans, périt Mungo-Park. Restait à déterminer le cours du fleuve entre ces villes et à étudier les rapports que le Niger peut avoir avec le bassin du Tsad, soit par lui-même, soit par ses affluens. La découverte du Binué en Adamawa se rattachait à cette deuxième partie du problème. L’inébranlable fermeté, la persévérance de l’étranger inoffensif qui était venu des régions les plus lointaines non pour s’enrichir, mais pour s’instruire de mœurs inconnues, étudier des dialectes, dessiner les cours d’eau et les montagnes, recueillir des plantes et des pierres, ce courage opiniâtre, qui ne cédait, pas même devant les menaces de mort, et qu’entretenaient dans sa fermeté la curiosité et l’amour de la science, avaient frappé d’étonnement et de respect les populations sauvages au milieu desquelles notre voyageur avait transporté sa vie laborieuse. Le sultan du Bornu, après avoir tenté vainement de le détourner de son projet et de le retenir, lui donna des chameaux, lui fit d’autres présens, et enjoignit à tous les gouverneurs des villes qu’il aurait à traverser dans ses états de le protéger. M. Barth fut prêt à se mettre en route vers la fin de novembre 1852. À cette date, il faisait connaître en Europe son dessein et l’état de ses ressources par une lettre dont voici un fragment : « … Seul survivant de l’expédition dont aujourd’hui l’accomplissement repose tout entier sur moi, j’ai senti doubler mes forces, et je suis déterminé à pousser jusqu’au bout les résultats que nous avons acquis. Je possède une quantité suffisante de présens, plus deux cents dollars, quatre chameaux, quatre chevaux ; ma santé est dans de bonnes conditions ; j’ai avec moi cinq honnêtes serviteurs dès longtemps éprouvés et bien armés, nous avons de la poudre et du plomb. J’espère avec pleine confiance que je pénétrerai heureusement jusqu’à Timbuktu. »

Une des guerres qui désolent presque constamment ces régions rendant la route qui mène à Kano impraticable, le voyageur prit la direction de Zinder et de Katsena. Il entra heureusement dans Katsena le 6 mars 1853, et, sans presque s’y arrêter marcha sur Sokoto. À quelque distance de cette ville, M. Barth rencontra le puissant chef fellani qui s’intitule commandeur des croyans, émir Al-Moumenim, et dont l’autorité plus ou moins immédiate s’étend sur la plupart des provinces du Soudan occidental ; je veux parler d’Aliyou, fils de Bello. Ce Bello avait accueilli, il y a une trentaine d’années, Clapperton et ses compagnons avec beaucoup de bienveillance. Il avait facilité leurs voyages, et s’était engagé à protéger de même tous les hôtes que lui enverrait l’Angleterre. Son successeur Aliyou se montra jaloux de remplir cet engagement. Il dit à Barth que, depuis deux ans, il avait reçu