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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/225

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POÉSIE

LA FILLE DU TONNELIER



I.

Jean-Maurice habitait, au fond d’un carrefour,
Une vieille maison à fenêtres grillées :
À travers les barreaux à peine entrait le jour,
Tant les vitres étaient de poussière souillées.
Sous les coups répétés d’un lourd marteau de fer,
La grand’porte s’était déjetée et fendue ;
Aux ferrures du puits une corde pendue
Depuis tantôt dix ans se balançait en l’air.
Des mauves fleurissaient sur l’escalier de pierre,
Et du haut du portail, des pavots empourprés,
Au moindre effort du vent, parsemaient les degrés
De pétales flétris et de graine légère.
Maurice avait vingt ans ; son cœur, ô rareté !
Ne s’était point gâté dans les murs du collège ;
Au logis paternel il avait rapporté
Sa foi, trésor sans prix, blanche virginité
Qui fond aux premiers feux comme un flocon de neige.
Il n’avait pour amis que ses livres poudreux,
Fidèles compagnons peuplant sa solitude ;
Il ignorait le monde et se trouvait heureux
Entre les quatre murs de sa chambre d’étude.
Dès la pointe du jour, courbé sur son bureau,
Il lisait jusqu’au soir près de sa vitre ouverte.
Où grimpaient en été deux brins de vigne verte.