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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/231

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 août 1858.

Domptée par l’industrie humaine, la terre se rapetisse chaque jour sous nos yeux. Les chefs des deux grands peuples libres du monde, la reine d’Angleterre et le président de la république américaine, inaugurent le câble transatlantique par un échange de courtoisies qui parcourent en quelques heures l’Océan vaincu. Les chemins de fer et la navigation à vapeur étaient déjà en train de réduire la terre à un dixième de son ancienne surface par rapport à la locomotion des hommes et des choses ; encore peu d’années, peu de mois pour mieux dire, et le globe entier, enveloppé de fils électriques, sera traversé dans tous les sens, en quelques minutes, comme un cerveau gigantesque, par les étincelles de l’esprit de l’homme. La vieille et fataliste humanité, l’humanité pullulante et croupissante du brahmanisme et du bouddhisme, de Confucius et de Mahomet, s’agite en des spasmes mortels ; l’humanité chrétienne, savante, industrieuse et libre, de toutes parts l’attaque, l’envahit, la domine. L’héroïsme anglais écrase la rébellion indienne. L’Angleterre, soutenue par la France, suivie par les États-Unis et la Russie, enfonce pour toujours la muraille chinoise. Là où la race humaine était encore absente, elle se précipite à torrens ; elle fouille les solitudes et trouve l’or. Après la Californie, l’Australie ; après l’Australie, la Nouvelle-Calédonie ; des milliers de mineurs s’élancent sur l’île de Vancouver, et, entassés dans de misérables barques, quittent la magnifique baie de Victoria au cri de hurrah for the Fraser ! Ainsi la richesse, ce tribut que le travail humain arrache à la nature, croît sans cesse, et tandis que les produits du travail se multiplient, la subite abondance de l’or s’ajoute à la vapeur, aux chemins de fer et à l’électricité pour en accélérer l’échange. La conquête de la nature par l’homme, voilà le plan glorieux d’après lequel s’accomplit l’existence des générations contemporaines ; sur ce fond grandiose se détachent les combinaisons politiques du présent. Le dessin ne sera-t-il pas digne de la trame ? Lorsque l’homme grandit en puissance, c’est-à-dire en liberté, vis-à-vis de la