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vraie pensée du souverain napolitain, si on avait connu un document où, dès les premiers temps de son règne, Ferdinand II parlait sans détour, avec une maturité précoce et une sorte d’entrain d’absolutisme. Tandis que le roi de Prusse s’inquiétait des velléités libérales du nouveau souverain napolitain, le roi Louis-Philippe écrivait à son neveu pour l’engager à aller plus avant, à faire de larges concessions à son peuple pour éviter les catastrophes, et ce prince de vingt ans répondait d’une griffe presque hautaine et ironique de façon à décourager les conseils. « Je voudrais bien m’approcher tout à fait de la France de votre majesté, qui ne peut être que modérée et loyale, disait Ferdinand au roi Louis-Philippe ; mais je suis lié par les traités et par les alliances précédentes, auxquelles il faut rester fidèle, d’autant plus que dans les jours malheureux de ma famille ce sont elles qui nous sont venues en aide. Pour m’approcher de la France de votre majesté, si elle peut jamais être un principe, il faudrait renverser la loi fondamentale qui constitue la base de notre gouvernement, et m’engouffrer dans cette politique de jacobins pour laquelle mon peuple s’est montré félon plus d’une fois à la maison de ses rois. La liberté est fatale à la famille des Bourbons, et moi je suis décidé à éviter à tout prix le sort de Louis XVI et de Charles X. Mon peuple obéit à la force et se courbe ; mais malheur s’il se redresse sous les impulsions de ces rêves qui sont si beaux dans les sermons des philosophes et impossibles en pratique ! Dieu aidant, je donnerai à mon peuple la prospérité et l’administration honnête à laquelle il a droit ; mais je serai roi, je serai roi seul et toujours… J’avouerai avec franchise à votre majesté qu’en tout ce qui concerne la paix ou le maintien du système politique en Italie, j’incline aux idées qu’une vieille expérience a montrées au prince de Metternich efficaces et salutaires… Nous ne sommes pas de ce siècle. Les Bourbons sont vieux, et s’ils voulaient se calquer sur le patron des dynasties nouvelles, ils seraient ridicules. Nous ferons comme les Habsbourg. Que la fortune nous trahisse, nous ne nous trahirons jamais… » C’était net et même impertinent de roi de Naples à roi des Français. Ferdinand II se dévoile là tout entier. Il tenait de son aïeule Caroline d’Autriche l’instinct de la domination et la ruse, de son père cette rondeur qui se mêlait à une finesse railleuse, de sa race entière cette fierté qui reste aux vieilles maisons, et de lui-même ce je ne sais quoi de délibéré qu’il a porté dans tout son règne.

C’est vers 1836 que la royauté napolitaine telle que l’a faite Ferdinand II se dégage avec ses tendances et ses caractères et apparaît définitivement dans la Vérité de sa nature. Ce n’était pas assurément un régime libéral, même par les promesses ou par quelque