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de temps en temps des mots sans suite, puis il s’interrompait pour tendre la main et demander à boire. Ce roi Denis avait peut-être pour aïeul l’indomptable « guerrier noir » Tuscaloosa, et les hommes déguenillés qui le suivaient descendaient de ces terribles Alibamons qui détruisirent l’armée de Hernando de Soto à la sanglante bataille de Mobile, et dont la renommée, perdue chez leurs fils, ne vit plus que dans l’histoire. Bientôt ces fils dégénérés disparaîtront à leur tour, et des Indiens il ne restera plus dans la forêt que les hauts tumuli en terre rouge sur lesquels de grands arbres croissent depuis des siècles.


III

Le delta mississipien commence sur la rive droite à une centaine de kilomètres plus en amont que sur la rive gauche. De ce côté, la chaîne de falaises escarpées ou bluffs qui longe le fleuve depuis l’embouchure de l’Ohio se continue sans interruption jusqu’au bayou Iberville, et force le Mississipi à descendre du nord au sud. En trois endroits, le courant vient frapper la base des bluffs, comme pour chercher une issue vers la gauche, et ce n’est qu’au-dessous de Bâton-Rouge, là où se termine la chaîne, qu’il coule vers le sud-est dans sa direction normale.

L’avant-dernière falaise, celle de Port-Hudson, est devenue justement célèbre par suite des savantes recherches de M. Lyell et d’autres géologues. Elle appartient à la formation éocène et contient les restes gigantesques d’animaux fossiles. Au-dessus s’étend une couche d’alluvions antiques semblable à celles qu’on appelle lœss sur les bords du Rhin et consistant en sables et cailloux roulés, contenant des coquilles d’eau de mer et d’eau douce mêlées avec les débris d’animaux anté-historiques. Immédiatement au-dessous des rochers s’étendent les stratifications du terrain crétacé dont on peut voir les premières assises pendant la saison des eaux basses. Le Mississipi ronge ces assises, désagrège le terrain crayeux, et roule dans son eau les morceaux de silex qu’il dépose plus loin sur le banc de sable situé en aval de la falaise. Ces cailloux roulés réjouissent l’œil, car plus bas, dans ce pays de Louisiane où le sol se compose entièrement d’argile et de sable fin, les galets sont inconnus.

La dernière falaise, celle de Bâton-Rouge, mérite à peine ce nom. Basse et arrondie au sommet, elle ne présente aucun de ces escarpemens de sable et de gravier où les pluies labourent d’énormes sillons, et qui de loin ressemblent à de vastes fortifications en ruine. C’est là que s’élève la soi-disant capitale de la Louisiane, pauvre et insignifiant village auquel le séjour des représentans de