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conforme aux aspirations naturelles d’un grand peuple ne devrait point être perdue de vue au moment où l’on voudrait ébaucher une confédération italienne. L’industrie autant que la politique a enseigné aux populations de même race l’avantage qu’elles trouvent à confondre leurs intérêts. Nous sommes dans le siècle des fusions, et les fusions sont le moyen le plus sûr de réduire les frais généraux. Cela est aussi vrai pour les petits états que pour les compagnies. C’est ce que les Allemands comprennent, eux qui sont consumés par la multiplicité de cette sorte de frais généraux que l’on appelle dans les budgets de la politique les listes civiles ; mais parmi leurs petits princes il n’en est qu’un qui soit de leur avis : c’est le duc Ernest de Saxe-Cobourg, qui donne asile à Gotha à l’association pour la réforme du pacte fédéral. Sous quelque forme que l’on parvienne à réaliser la confédération italienne, nous souhaitons que, l’exemple de l’Allemagne présent à la pensée, on ait soin de ne pas grever la pauvre Italie de trop de frais généraux.

Après les soucis que nous donnent les laborieux progrès de la civilisation viennent les affaires que nous suscitent les peuples barbares. Quel emploi noble et infini de l’activité européenne, si tous, affranchis des entraves intérieures qui nous paralysent encore et qui perpétuent entre nous des divisions intestines, nous pouvions déborder à notre aise sur le monde barbare. Cette lutte de la civilisation contre la barbarie semble reprendre à l’heure qu’il est une recrudescence nouvelle. Nous avons, nous Français, notre guerre avec les tribus marocaines de notre frontière d’Algérie, pour laquelle le général Martimprey va renouveler avec éclat la leçon d’Isly. Les Espagnols s’apprêtent à exiger, les armes à la main, de l’empereur du Maroc, des satisfactions et des garanties nécessaires. Le Marocain accordera-t-il ces satisfactions sur les instances de l’Angleterre, ou forcera-t-il le maréchal O’Donnell à prendre le commandement de l’expédition espagnole et à passer le détroit de Gibraltar ? Les informations anglaises promettent une solution pacifique que ne confirment guère les nouvelles et les arméniens de Madrid. Cette affaire du Maroc a créé un sérieux émoi. Les environs de Gibraltar sont devenus le rendez-vous des escadres de France et d’Angleterre en même temps que des troupes espagnoles rassemblées. L’on a craint que l’Angleterre, se croyant menacée à Gibraltar, ne voulût mettre des obstacles à une juste entreprise de l’Espagne. Nous croyons que l’on a beaucoup exagéré la mauvaise humeur et les appréhensions de l’Angleterre, et que, si elle s’efforce de maintenir la paix entre le Maroc et l’Espagne, c’est dans l’intérêt du commerce considérable qu’elle fait au Maroc, commerce dont la sécurité serait compromise par une guerre qui enflammerait peut-être le fanatisme musulman. Cependant, à l’autre bout de la Méditerranée, à Constantinople, l’on n’est point remis de l’effroi qu’ont causé la découverte et la popularité de l’immense conspiration des musulmans patriotes. Ce que l’on raconte de cette conspiration et des mobiles de moralité qui l’animaient est de nature à exciter en faveur des conjurés un certain intérêt. Cette aventure est venue nous rappeler à quel fil tient la paix de l’Orient, et de quel hasard dépend l’explosion qui mettra peut-être de nouveau aux prises dans la Méditerranée les grandes influences européennes. Plus loin encore, à l’extrême Orient, l’affaire de Chine, qui semblait devoir réunir dans un effort commun la France et l’Angleterre, ne laisse point voir encore nettement ses