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qui l’ont visitée, frappés de la douceur de son climat et de toutes ses magnificences, la vantaient avec enthousiasme. Voici comment un officier de notre marine, qui l’a vue récemment, en décrit les approches : « Le plus gracieux panorama se déroule devant le navire qui, venant du large, double la pointe de Vénus ; pendant qu’il côtoie le récif, long de dix milles, qui le sépare de la passe, les pics abrupts de l’île se déroulent devant lui, et au milieu d’eux les pitons bien nets du Diadème se découvrent brusquement et surplombent au centre les plus riches vallées de l’île. Les sommets secondaires apparaissent couverts d’une végétation luxuriante au milieu de laquelle scintillent d’innombrables cascades, puis la plage couverte de cocotiers, de pandanus, d’orangers, d’arbres à pain, dont les ombrages abritent çà et là quelques cases, et sur les bords de laquelle vient expirer doucement la mer intérieure, parfaitement calme entre les récifs et la côte. Tel est le tableau vigoureusement illuminé par le soleil des tropiques qui charme le voyageur encore fatigué de la dure navigation du cap Horn. » Bientôt on découvre au fond d’une belle rade les cases blanches de Papeete, la ville française de l’Océanie.

La rade, d’accès facile et bien abritée, offre un bon mouillage aux bâtimens de commerce ; la plage qui la borde se déroule en arc de cercle ; un récif ferme la baie du côté de la mer, et la ville s’étend d’une pointe à l’autre, ayant à son centre un petit môle qui sert d’embarcadère. Autour de la maison du gouvernement ou protectorat, de l’arsenal, des magasins, des baraques et des chantiers de notre établissement, se dressent les habitations de deux ou trois mille personnes tant étrangères qu’indigènes : ces maisons forment une rue bien alignée le long du rivage, et sont généralement en bois ; il n’y a que celles des consuls et les constructions publiques qui soient en pierre et à deux étages. À une centaine de pas du rivage s’ouvre une belle route qui fait le tour de l’île, et vis-à-vis de la baie, dans l’hémicycle que forment les hauteurs étagées en amphithéâtre, les maisons de quelques résidens et des huttes d’indigènes sont semées au milieu de larges et splendides jardins où l’oranger, le bananier, le cocotier, l’aloès, la vanille, vingt autres variétés de plantes intertropicales mêlent leur feuillage. Le marché est situé au croisement des deux routes principales : il consiste en deux hangars couverts en chaume et longs de trente pieds sur dix de large ; quelques naturels, vieillards, femmes et enfans, sont assis entourés de leurs provisions : les fruits de l’arbre à pain, des bananes, des oranges, des monceaux de noix de cocos dépouillées de leur enveloppe, quelquefois du poisson et des porcs vivans ou rôtis ; ils attendent patiemment les acheteurs ou débattent le prix de leurs marchandises avec animation. Près de l’arsenal se dresse une maison