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sur ses compagnons pour en sortir vainqueur. » Mais qu’on adopte cette tactique audacieuse ou qu’on en imagine une plus prudente, il n’en faut pas moins trouver de nouvelles méthodes de combat. Que sera cette tactique ? C’est une autre inconnue à dégager. Notre escadre d’évolutions s’en occupe, et le sujet est digne de l’habile chef qui la dirige. Par trois points surtout, la marine actuelle diffère de celles qui l’ont précédée : la sûreté des mouvemens, la justesse du tir, la puissance du feu. On n’y verra plus, Dieu merci, le spectacle qu’ont offert nos deux dernières et fatales rencontres, celui d’une partie de nos flottes écrasée par les boulets de l’ennemi, tandis que l’autre partie assistait pour ainsi dire l’arme au bras à cette défaite. Avec la vapeur, de telles fautes ne seront plus possibles ; toutes les forces seront utilement engagées, et s’il y a des réserves, elles iront du côté du canon quand le moment sera venu, soit pour y rétablir les chances, soit pour compléter la victoire. Terrible perspective que celle d’une lutte où l’on mettra en ligne jusqu’au dernier homme et au dernier vaisseau, mais il n’en faut pas moins l’envisager d’un regard ferme et résolu ! Avec quel effectif y figurerons-nous, si la destinée nous réserve cette épreuve ? Ici arrivent à leur place les questions délicates de dénombrement.

On dirait qu’il y a un parti-pris chez les Anglais d’exagérer nos forces et de diminuer les leurs ; ce fut de tout temps ainsi, l’habitude ne se perd pas. Dans l’étrange plan d’invasion dont il a été question plus haut, l’auteur part de cette donnée, que la France possède un nombre de vaisseaux à hélice très supérieur à celui dont le royaume-uni dispose, et qu’à ce compte elle peut se rendre maîtresse du canal. Ce sont là des suppositions gratuites. Nous ne sommes pas dans le secret des armemens du gouvernement impérial, et c’est à un document distribué au parlement anglais que nous emprunterons une partie des renseignemens qui vont suivre, en les complétant par quelques informations personnelles. D’après ces données, nos forces de mer se distribueraient dans les proportions suivantes : 33 vaisseaux à hélice à flot et 5 sur le chantier, portant ou pouvant porter 3,340 canons ; 15 frégates à flot et 16 sur le chantier, avec 1,310 canons. Ge sont les vraies et grandes ressources de la guerre, comprenant 70 bâtimens et à 4,650 canons. On a vu ce que sera en 1871 l’effectif probable ; voilà quel est en 1859 l’effectif réel. Or cet effectif de 38 vaisseaux et de 32 frégates demeure, encore en-deçà de celui que la loi de 1837 fixait comme réglementaire, et qui s’élevait à 50 frégates et 40 vaisseaux. Après vingt ans écoulés, nous n’en serions pas arrivés au chiffre que nous nous étions proposé d’atteindre, et que les pouvoirs publics avaient sanctionné. Y a-t-il là un effort démesuré, et qui puisse ressembler à une menace ? Quant aux bâtimens inférieurs, frégates, corvettes, avisos,