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500,681 kilos de 1837 à 1846, 1,543,500 kilos de 1847 à 1856, 3,152,357 kilos en 1857, et 3,685,246 kilos en 1858.

L’agriculture française est donc désintéressée dans la question. Quant au fisc, on va voir de quel côté son intérêt se trouve : 100 kilos de chicorée sèche introduits en France ne lui laissent que 3 fr., tandis que 150 kilos de café véritable, nécessaires pour produire une égale quantité d’infusion ayant la même nuance, auraient rapporté en moyenne 150 fr., c’est-à-dire cinquante fois plus au trésor public. Ce n’est pas tout encore cependant : si les agriculteurs ont peu ou même n’ont réellement pas profité de cette immunité des droits, un grand nombre de spéculateurs d’un autre ordre ont exploité cette situation. Sans sortir des villes, ils ont puisé dans les produits les plus divers des cultures environnantes, parfois même dans les résidus des récoltes, les matières premières les plus hétérogènes, n’ayant guère de commun entre elles que le bas prix ou une valeur à peu près nulle ; puis, au moyen d’une simple torréfaction qui leur permettait d’imiter les apparences extérieures du produit exotique, ils ont réalisé d’énormes bénéfices en s’affranchissant de tous les frais d’acquisition de marchandise étrangère, d’importation et de droits.

On comprend que de pareilles spéculations n’aient pu spontanément réussir. Alors les inventeurs ont voulu attirer par tous les moyens la confiance sur ces produits dépourvus de propriétés utiles, de saveur et d’arôme agréables, offrant au contraire un goût acre, une odeur repoussante, souvent une insalubrité très réelle. Quelque fonds que l’on pût faire sur la crédulité publique, l’entreprise était difficile ; elle ne devait avoir de succès qu’à une double condition. Il fallait d’abord prôner à grand bruit et à grands frais les vertus imaginaires de ces indigestes produits, puis, en promettant les plus heureux résultats pour l’entretien de la santé et le développement des forces, il fallait encore détourner la confiance acquise au rival qu’on voulait combattre, inspirer une crainte profonde des dangers auxquels il exposerait les consommateurs, s’ils ne se hâtaient de l’abandonner. Sur ce point, tous les spéculateurs se sont parfaitement entendus : chacun, donnant à son produit les plus pompeux éloges, attaquait à l’envi le malheureux café, qui ne payait personne pour se défendre, qui ne publiait d’autres annonces que celles de son arrivée dans nos ports, annonces qui peuvent intéresser les négocians, mais que la foule ne connaît pas. On était loin déjà de la supercherie relativement innocente des étiquettes, étalant, parmi les images des végétations tropicales et des nègres occupés à leurs pénibles travaux, les mots expressifs de café Moka pur sur des paquets assez hermétiquement clos pour ne laisser échapper aucun