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duit aujourd’hui les résultats que le Moniteur regrette et dont il peint les dangers avec tant de vivacité, agissait dès l’origine, on l’a vu par les circulaires du comité que présidaient M. La Farina et le général Garibaldi, et les révolutions de l’Italie centrale en ont été le développement systématique. La guerre fortifiait nécessairement ces tendances, car elle disait aux Italiens : « Unissez-vous dans un seul but, l’affranchissement de votre pays… Volez sous les drapeaux du roi Victor-Emmanuel… Demain vous serez citoyens libres d’un grand pays. » La paix enfin, surprenant les populations de l’Italie centrale entraînées dans un tel courant, compromises vis-à-vis des maisons souveraines renversées par elles, animées de nobles illusions qu’elle venait détruire, de patriotiques espérances qu’elle venait démentir, a tout à coup généralisé et fixé ces aspirations à l’unité. Les Italiens ont pris en mains leurs propres destinées ; puis, se souvenant qu’il leur avait été dit : « La Providence favorise quelquefois les peuples comme les individus en leur donnant l’occasion de grandir tout à coup, mais c’est à la condition qu’ils sachent en profiter, » ils ont voulu en effet mettre à profit la leçon et l’occasion. Ils ont résolu de grandir tout à coup en s’unissant en un grand royaume constitutionnel. Cette résolution est sans doute de leur part un acte de volonté spontanée ; mais elle a beau contredire nos conseils et nos dispositions actuelles : elle est une conséquence et de la guerre et de la paix. Nous n’en pouvons donc rejeter toute la responsabilité sur les Italiens en la déclinant absolument pour nous-mêmes. Il est permis sans doute, quand on fait la guerre ou la paix, de ne pas prévoir toutes les conséquences de ce que l’on fait : la faiblesse humaine a bien le droit de réclamer cette licence, mais c’est à la condition qu’elle saura supporter patiemment les conséquences qui non-seulement à son insu, mais contre son gré, découleront naturellement de ses actes.

Nous ne voulons donc, dans l’article du Moniteur, rien voir de menaçant pour les aspirations indépendantes de ce patriotisme italien, à la fois libéral et conservateur, qui, dans un intérêt de nationalité, écarte la restauration des archiducs, et, dans un intérêt de conservation, se serre contre la monarchie constitutionnelle du Piémont, pour demander à un gouvernement fortement organisé et éprouvé les garanties de l’ordre et de la liberté. Nous espérons que l’article du Moniteur est le dernier mot et le dernier effort du concours moral que la France avait promis et a donné à l’Autriche pour la réalisation de cette partie du programme de Villafranca où l’on faisait entrevoir le rétablissement des dynasties autrichiennes en Italie. À Florence et à Turin, les Italiens ont jugé avec esprit cette manifestation du journal officiel ; ils ont constaté que l’article du Moniteur ne posait au fond qu’une seule conclusion pratique intéressant à la fois le présent et l’avenir de l’Italie : il proclame que le principe de non-intervention sera désormais appliqué aux affaires italiennes. Si le gouvernement français, comme nous n’en saurions douter après une déclaration si formelle, non-seulement observe ce principe, mais le fait observer par tout le monde, jamais plus grand service n’aura été rendu à la péninsule, et l’Italie peut considérer son émancipation comme accomplie. L’Italie appartiendra désormais aux Italiens ; elle n’aura point à regretter que la France n’ait pas