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l’indépendance de son caractère. À l’âge de seize ans, il eut, pendant une maladie que fit l’aîné de ses frères, le commandement provisoire d’un brick ordinairement dirigé par ce dernier. Il accomplit une course fructueuse et reprit le chemin de ses foyers, attristé par la perspective de rentrer sous les ordres de son frère, dont la santé s’était rétablie. En passant à Smyrne, il débarqua seul, renvoya son navire à Hydra et en acheta un autre pour son propre compte. Comme il redoutait le courroux de son père, il se garda bien de reparaître chez lui et se lança sur mer à la recherche des aventures et de la fortune. Il s’aperçut bientôt que son inexpérience lui avait fait faire un mauvais marché : son navire était vieux, lourd, mal radoubé. D’autres accidens survinrent. Il fut un jour surpris par des pirates maltais aux environs de Navarin. Abandonné de son équipage, qui se sauva sur la côte, il resta seul à bord de son petit navire, résolu à se faire tuer plutôt que de le quitter. Les Maltais, soupçonnant un piège à la vue de cette embarcation défendue par un seul homme, ne montèrent point à l’abordage sans avoir fait pleuvoir une grêle de balles sur le navire. Andréas, atteint en plusieurs endroits, fut fait prisonnier, et, après une courte délibération, on décida qu’il serait mis à mort ; mais le jeune homme fit observer aux pirates que sa mort ne leur serait d’aucun profit, tandis qu’il pourrait leur payer la rançon de sa personne et de son navire, si on lui permettait de se rendre dans un village du Péloponèse où il avait quelques amis. Les pirates accédèrent à sa proposition, et il fut conduit à terre, escorté de six hommes qui durent le garder constamment à vue. Affaibli par ses blessures, Miaoulis fut obligé de s’arrêter dans un hameau voisin de la mer. Au bout de quelques jours, ses gardiens l’abandonnèrent subitement pour rejoindre en toute hâte leur vaisseau, auquel les Grecs se disposaient à donner la chasse. Miaoulis rentra ainsi en possession de son bâtiment, reforma promptement son équipage, et entreprit de nouvelles opérations commerciales dont le résultat fut presque toujours heureux.

C’est au mois de mars 1822 qu’Andréas Miaoulis fut promu au grade de navarque ou amiral. Il était alors âgé de soixante ans environ ; mais sa puissante organisation avait admirablement résisté aux fatigues multipliées de sa vie passée. Il prit aussitôt vis-à-vis des Turcs une attitude ouvertement offensive. Jusqu’alors, les habitans des îles avaient fait sur mer une guerre analogue à celle des klephtes dans les montagnes. Chaque armateur, transformé en capitaine, agissait suivant son courage et sa fantaisie, combinait ses entreprises à son gré, associait à sa fortune deux ou trois autres capitaines, et s’en allait donner la chasse aux voiles ottomanes.