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est tombée en dissolution. Un centre de résistance autour duquel tous les élémens moraux et sociaux que le pouvoir voit avec défaveur se puissent grouper, et d’où ils puissent résister aux efforts que ce pouvoir ferait pour les détruire, est aussi nécessaire lorsque la majorité numérique est souveraine que lorsque le pouvoir dominant est une hiérarchie ou une aristocratie. Là où un tel point d’appui vient à manquer, inévitablement la race humaine dégénère. La question de savoir si les États-Unis finiront par devenir une autre Chine (nation très industrieuse, elle aussi, et fort commerçante) se réduit, pour nous, à la question de savoir si un tel centre de résistance pourra ou non s’y former. » Or, suivant M. Mill , la presse et surtout les journaux sont justement un de ces instrumens providentiels de ralliement et de résistance qui sont nécessaires en face de la domination du suffrage universel. Au lieu de demander aux polémiques inspirées par l’esprit de parti la solution du problème que soulève la coexistence du suffrage universel et d’une presse libre, nous aimons mieux, nous l’avouons, la demander au témoignage désintéressé d’un étranger, d’un penseur estimé de toute l’Europe, et dont les parole^s sont l’écho des grandes intelligences de notre époque. Pour conclure donc, nous ne cesserons pas de croire, avec Royer-Collard, que « la liberté de la presse, devenue un droit public, fonde toutes les libertés et rend la société à elle-même, « et par les voies constitutionnelles et légales nous continuerons la revendication modeste et utile qui a été ouverte pour obtenir les améliorations dont le décret de 1852 nous paraît susceptible.

Les intérêts de la presse deviennent le premier des intérêts publics dans un temps où la presse est le seul mode de relation qui existe entre les citoyens qui, placés en dehors du pouvoir, conservent le souci des affaires publiques, et n’ont point abdiqué la noble ambition d’écouter les inspirations de l’opinion et d’agir avec elle et sur elle. L’importance que nous assignons aux intérêts de la presse ne* paraîtra pas du moins exagérée, si l’on réfléchit au’X circonstances que le monde traverse. Nous ne cherchons point à grossir les choses par de complaisantes illusions; mais plus nous considérons l’état actuel de l’Europe, plus nous sommes convaincus que le concours de la pensée publique va de jour en jour devenir plus nécessaire à la décision des questions que les événemens imposent aux gouvernemens et aux peuples. Il y a longtemps que l’Europe n’avait été en proie à un travail pareil à celui qui s’accomplit dans son sein. Les événemens d’Italie ont été sans doute les plus éclatans et, dans leurs résultats, les plus imprévus de l’histoire de cette année; mais ils ne sont point aussi isolés qu’ils le paraissent : ils retentissent bien au-delà de la péninsule, et la solution des affaires d’Italie, qui dépend de beaucoup d’intérêts étrangers à la péninsule, exercera même à son tour sur ces intérêts une influence qu’il n’est pas possible encore de prévoir. Cette solution demeure suspendue, et les choses sont à peu près au point où nous les laissions il y a quinze jours. Seulement le roi de Sardaigne a reçu la députation des Romagnes et a fait au vœu d’annexion une réponse identique à celles qu’il avait précédemment adressées aux députations des duchés. La situation morale de l’Italie centrale est aussi franchement dessinée que pouvaient la faire les aspirations spontanées des populations livrées à elles-mêmes. Ces populations, représentées par l’unanimité des classes su-