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ont fait travailler les imaginations et mis en route les nouvellistes et les nouvelles. L’on s’imaginait que de l’entrevue de l’empereur des Français et d’un politique aussi consommé que le roi Léopold devait inévitablement sortir cette chose si difficile et si désirée que l’on nomme une solution. Certes le roi Léopold est un souverain qui prend au sérieux son métier de roi et qui ne s’épargne pas la peine. Ses alliances le mettent au cœur de toutes les grandes affaires d’Europe, et sa vieille expérience l’a mis au courant de bien des ressorts. Oncle de la reine d’Angleterre et du prince Albert, la bonne entente de la France et de l’Angleterre ne lui est point d’un intérêt médiocre. Beau-père de l’archiduc Maximilien, les difficultés des affîiires italiennes ne lui sont pas indifférentes. Il appartient à cette branche de Saxe-Cobourg-Gotha, dont le chef s’est mis à la tête du mouvement allemand qui poursuit la réforme du pacte fédéral, et vient de s’attirer les sévères remontrances de M. de Rechberg. Peut-être dans les suppositions auxquelles a donné lieu la présence du roi Léopold à Biarritz n’oubliait-on qu’une seule chose, c’est qu’il est roi des Belges, et que les affaires de Belgique ont dû figurer parmi les motifs de son voyage. Pour nous, quand nous songeons au projet récemment voté des fortifications d’Anvers et aux émotions qui ont agité cette année la Belgique, nous ne sommes point surpris que le roi Léopold ait eu à entretenir l’empereur. Quant à la probabilité d’une prompte solution des affaires de l’Italie, pour y avoir confiance, nous consulterions la nature des choses plutôt que de nous en remettre à l’habileté magique des personnages que fait agir l’oisive imagination des ignorans. Or la nature des choses ne nous paraît pas comporter une solution souveraine et prompte des affaires d’Italie. Comme nous l’annoncions il y a quinze jours, la conférence de Zurich a terminé à peu près sa tâche restreinte, et le traité de paix ne tardera pas à être signé sur la cession de la Lombardie. La question de l’Italie centrale sera renvoyée à des négociations ultérieures : c’est celle qui paraissait devoir être l’objet d’un congrès ; mais la réunion d’un congrès n’est guère imminente, si l’on en juge par la déclaration que lord John Russell vient de faire en Écosse devant un autre congrès, un congrès scientifique, que le prince Albert, son président, avait ouvert par un discours élevé, philosophique et de tous points remarquable. Lord John Russell, confirmant ses précédens engagemens, a dit encore que l’Angleterre n’adhérerait à un congrès que sous la condition expresse que les Italiens demeureraient maîtres de régler leurs destinées. Quoi qu’il en soit, si une apparence de solution se montre à l’horizon, l’on en connaîtra probablement quelque chose par la réponse que l’empereur, après son retour à Paris, fera aux députations de Toscane et des légations. La députation de Toscane est réunie à Paris et se compose du marquis de Lajatico, de l’illustre physicien M. Matteucci, et de M. Peruzzi, ancien gonfalonier de Florence, qui est à la tête de l’industrie des chemins de fer en Toscane, et qui s’est distingué dans la dernière révolution de Florence par la fermeté et la résolution de sa conduite.

En attendant, les choses poursuivent leur cours dans l’Italie centrale : Victor-Emmanuel n’y est point encore le roi définitif, mais il y est le « roi élu, » et c’est sous ce titre qu’il va figurer dans les monnaies frappées à son effigie. La ligue militaire continue à s’organiser sous l’active direction du