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LA NOUVELLE
POÉSIE PROVENÇALE

MM. J. ROUMANILLE, TH. AUBANEL ET F. MISTRAL.

Li Margarideto, 1847. — Li Prouvençalo, 1852. — Li Nouvé, 1856. — Mircio, 1859



La nouvelle poésie provençale, qui a fait un certain bruit dans ces derniers temps, a eu des origines très simples et très touchantes. Le fils d’un jardinier de Saint-Rémy, élevé dans nos écoles françaises, écrit à vingt ans des vers comme on en fait au sortir du collège, vers naïfs, sans prétention, non pas poésie du diable, comme disait un spirituel critique en parlant des essais trop confians de la jeunesse, poésie de famille bien plutôt et qui ne devait pas dépasser l’enceinte du foyer. Ces vers, le fils du jardinier les destinait à sa mère. Il les lui récite un soir, à la veillée; mais le jeune homme s’est fait là une étrange illusion : il y a bien longtemps que la pauvre femme a oublié le peu de français qu’elle avait appris à l’école. Ces vers inspirés par elle sont écrits dans une langue qu’elle n’entend pas. L’humble chanteur était une âme méditative, cette découverte le remplit de tristesse, et il se met à songer. « Ma mère, se dit-il, est donc privée de ces joies de l’esprit qui m’enchantent! Quand elle a fini son travail de la journée, il lui est donc interdit d’entendre de belles pensées exprimées sous une forme mélodieuse! Dans le centre et dans le nord de la France, quelques accens de