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depuis la mort du Christ, la colère divine était apaisée; tout ce que l’homme n’eût pu faire par lui-même avait été fait, et désormais le chrétien était à peu près placé dans les mêmes conditions où croyait être le païen : il s’agissait seulement pour lui de chercher à se rendre Dieu favorable en faisant son possible pour accomplir ses devoirs. Nul doute que les premiers protestans n’eussent rendu à l’élément chrétien une valeur beaucoup plus considérable, car d’après leurs idées chaque individu ne se trouvait point racheté par cela seul qu’il était baptisé, et il ne s’agissait pas pour lui de se justifier par ses actes; il fallait qu’il eût la foi au Christ et au pardon conquis pour lui par le Christ, afin que cette foi le fît agréer de Dieu malgré son indignité, et par là lui obtînt le don de l’Esprit saint. La théologie nouvelle va encore plus loin. Précisément parce qu’elle attribue à la raison et à la liberté humaines une part dans l’œuvre du salut, elle fait de la rédemption le centre de l’histoire universelle. Pour Luther de même que pour Bossuet, le monde païen était séparé par un abîme du monde chrétien. Pour la théologie nouvelle, tout ce qui a précédé le Christ comme tout ce qui l’a suivi, tout ce qui se passe chez l’individu avant comme après la conversion relève également du sacrifice offert sur le Calvaire. Le développement de l’humanité païenne, aussi bien que le développement naturel de nos facultés, rentre dans la divine loi de l’univers dont le Christ a été l’épanouissement. La rédemption était le but du passé comme elle est le commencement de l’avenir : le christianisme devient une philosophie de l’histoire. Là est un trait saillant des nouvelles tendances.

Dans la longue introduction où M. de Pressensé résume l’histoire des religions et de la philosophie du monde antique, il faut signaler un talent de synthèse et de classification des plus remarquables. L’auteur commence par dire un mot des principaux systèmes qui ont été émis jusqu’ici sur le mouvement religieux de l’humanité avant à christianisme, et la critique qu’il en fait frappe juste sur ce qu’ils ont d’exclusif et ce qui les rend insuffisans. Il ne saurait admettre tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, n’expliquent les religions que par l’influence des circonstances extérieures. Ni Dupuis, qui les regarde comme une simple reproduction des phénomènes astronomiques, ni Herder, pour qui l’histoire universelle est purement l’histoire d’un ensemble de doctrines, de forces et de dispositions humaines en rapport avec les temps et les lieux, ni l’école traditionaliste, qui, par l’organe de Donald et de Lamennais, a prétendu retrouver sous les mythes de l’Asie et de la Grèce la tradition d’une religion primitive révélée par Dieu avant la dispersion des races, ne peuvent lui suffire. « De pareilles hypothèses ad-