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pape à Paris pour la cérémonie du couronnement, le parti italien l’emporta dans le conclave « en ajoutant aux considérations politiques cette petite considération de l’amour-propre national : Après tout, c’est une famille italienne que nous imposons aux barbares pour les gouverner. Nous serons vengés des Gaulois[1] ! » Sous une forme demi-sérieuse, on retrouve là le fond de ce vieil esprit italien qui rattachait toujours au droit impérial issu de Rome ses souvenirs, ses regrets et ses espérances.


IV.

Loin de nous l’intention de décourager par cet examen rétrospectif, par cette énumération de tant de projets avortés, les généreuses aspirations du peuple italien, qui a suffisamment prouvé, en 1848 et en 1859, qu’il veut être à la fois indépendant et libre. Ces deux mouvemens ont une signification très haute, puisqu’ils ont fait éclater au grand jour le principe de solidarité qui tend de plus en plus à unir tous les fils de l’Italie. Toutefois les avertissemens de l’histoire ne peuvent être dissimulés et ne doivent pas être perdus pour les générations actuelles. Entre l’utopie unitaire de la monarchie romaine et le funeste séparatisme qui morcelait l’autorité en gaspillant sans profit pour personne toutes les forces nationales, il est un terrain où le parti modéré peut encore planter et affermir son drapeau. Il ressort assez clairement de l’opinion de l’Europe, opinion représentée en tout pays par les hommes vraiment libéraux, que l’Italie n’est point mûre pour l’institution d’un état unique. Outre la grave question de droit public qui serait engagée dans un pareil établissement, il y a encore des impossibilités matérielles et géographiques, des incompatibilités d’humeur, des rivalités invétérées et puissantes qu’il serait bien difficile de concilier. Ce qu’on s’accorde volontiers à reconnaître, c’est que l’Italie peut être prête pour une fédération d’états constitutionnels reliés entre eux par des intérêts généraux et par un sentiment commun, celui de l’indépendance nationale, à la condition pour ces états de se mouvoir particulièrement dans le sens habituel des besoins et des aptitudes de la population dont ils seraient formés.

Toutefois la confédération italienne peut rencontrer bien des obstacles, même en dehors de la tendance unitaire, et nul ne saurait dire encore quelle sera l’organisation future de la péninsule, ni même que cette organisation soit immédiatement réalisable. Sans vouloir donc rien préjuger, sans prétendre au rôle présomptueux et vain de prophète politique, n’est-il pas du moins permis d’émettre

  1. Mémorial de Sainte-Hélène, t. Ier, p. 546.