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cultés considérables : d’abord l’ingérence étrangère successivement introduite par l’Allemagne, par l’Espagne, par l’Autriche proprement dite, ingérence toujours subie, jamais acceptée ; en second lieu, la puissance temporelle du pape, laquelle, se confondant sans cesse avec l’infaillibilité spirituelle du pontife, déplaçait les bases purement humaines et laïques de la réorganisation intérieure de l’Italie. C’est surtout contre ces deux difficultés qu’a été dirigé le mouvement d’unification qui est venu compliquer la crise actuelle, car, en allant au fond des choses, on sent bien que c’est l’assujettissement du pape à l’Autriche qui seul perpétue la suprématie autrichienne en Italie. Là est le nœud de la question. Que le chef des états de l’église soit vraiment italien, et tout peut encore être sauvé. Les papes ont appelé en Italie des empereurs étrangers, et ils ont reçu de ces mains étrangères leur autorité temporelle. Après de longues luttes, terminées par une victoire dont ils n’ont pas su profiter pour organiser l’Italie, ils ont rétabli dans la péninsule le droit impérial, dont ils ont fini par identifier la cause avec celle du saint-siège. Le temps n’est-il pas venu de rompre avec ce passé funeste ? La faiblesse du pape en tant que prince temporel est, nous le savons, une faiblesse invincible, parce que le pape, comme suprême pontife, représente une force sociale immense ; mais, sans le violenter, ne peut-on s’adresser à sa conscience et à son cœur ? Quel rôle glorieux pour la papauté que la réparation d’une faute politique dont la conséquence a été l’asservissement de tout un peuple. Une noble résolution, accompagnée d’une persévérance énergique, et aussitôt les difficultés disparaissent ! Que le pape se déclare indépendant de l’Autriche : du même coup, l’indépendance italienne est assurée, les animosités séculaires s’apaisent, la nationalité italienne est garantie. Qu’il réforme son gouvernement, et du même coup la question de politique intérieure est simplifiée dans la péninsule tout entière. Comme moyen d’exécution, et dans les conditions que nous avons indiquées, l’association fédérative, dégagée d’une influence étrangère et suspecte, aidant à l’unité morale, préparant de loin l’unité politique, semble être une solution à laquelle doivent se rallier tous les bons esprits sous l’égide de la France. La souveraineté collective des divers membres de la confédération, pour peu qu’elle agisse dans une même vue patriotique et qu’elle offre aux forces isolées et divergentes un centre et un solide point d’appui, serait pour l’Italie un immense bienfait, car ce pays n’a jamais été ni administré ni régi suivant le sentiment et l’intérêt italiens. Pour tout peuple qui veut vivre, il y a un droit imprescriptible, supérieur à tous les droits écrits : c’est celui d’être bien et nationalement gouverné.

Huillard-Bréholles.