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rendre uniforme le régime des monnaies, œuvre très épineuse, surtout en Allemagne, et en 1838 la conférence de Dresde créait à cet effet une nouvelle pièce d’argent qui, sous le nom de monnaie d’association , devait avoir cours dans tous les états. Quant au tarif des douanes, il était d’application encore trop récente pour que l’on songeât à y introduire immédiatement de profondes réformes, il convenait d’attendre au moins l’expérience de quelques années. Ce n’est pas que ce tarif satisfit tous les intéressés : les appréhensions qui s’étaient manifestées dans plusieurs états, notamment dans les états manufacturiers, lors de la formation du Zollverein, ne pouvaient se calmer dès le premier jour. La Prusse avait quelque raison de redouter, pour les fils et tissus de coton, la concurrence de l’industrie saxonne, dont la main-d’œuvre était réduite à un taux fabuleusement bas; on citait des provinces où le salaire journalier dépassait à peine 30 centimes. De son côté, la Saxe avait à craindre, pour d’autres branches de travail, telles que les distilleries et la fabrication des toiles de lin, la concurrence prussienne, favorisée par l’abondance des capitaux et par la perfection des machines. Qu’arriva-t-il cependant? En moins de cinq ans, l’industrie prussienne, de même que l’industrie saxonne, produisait davantage, fabriquait mieux, et même vendait plus cher, ce qui amena partout la hausse des salaires et l’accroissement des profits. Quelques victimes étaient demeurées sur le champ de bataille; mais, considéré dans son ensemble, l’intérêt manufacturier avait conquis de part et d’autre une situation meilleure. Les fabriques, qui jusque-là n’avaient à pourvoir qu’à la consommation restreinte d’un seul état, possédaient dorénavant le marché du Zollverein, c’est-à-dire un marché de 25 millions d’âmes. De là une autre conséquence non moins importante à signaler : c’est que, la concurrence s’établissant à l’intérieur de l’association, concurrence active, stimulée par la perspective, d’un vaste débouché, l’industrie allemande se trouva plus forte contre la concurrence étrangère, et put lutter, avec le même tarif, contre certains produits qui étaient précédemment importés d’Angleterre ou de France. Ce fait était constaté par les opérations des foires, où l’on observait que les marchandises allemandes étaient de plus en plus recherchées. Il y a là un enseignement pour les pays où l’on en est encore à croire que la prohibition ou les taxes prohibitives sont indispensables pour protéger efficacement l’industrie, que le progrès national est incompatible avec la concurrence étrangère, qu’un abaissement de tarif équivaut à une sentence de mort, et que les partisans les moins audacieux des réformes commerciales doivent être traités d’utopistes ou de révolutionnaires. Le tarif prussien de 1818, tarif modéré, tarif de juste milieu, qui s’écartait au-