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guerre, les deux cabinets n’ont trouvé dans la paix qu’un nouveau prétexte d’amers reproches, lancés à tous les vents de la publicité européenne, et en ce moment même, devant l’agitation unitaire qui vient d’éclater dans certaines régions de l’Allemagne, et qui a fait une sorte de pronunciamiento à Eisenach, nous retrouvons l’Autriche et la Prusse en complet désaccord d’attitude et de langage. Cependant il ne faut pas perdre de vue que, si l’Allemagne est le pays des conflits, elle est également le pays des réconciliations faciles. Plus d’une fois, parmi les membres si nombreux de la grande famille germanique, se sont élevées des querelles particulières que l’intérêt commun a bientôt apaisées. Lorsque les puissances prépondérantes s’affaiblissent moralement par les éclats de leur jalousie, les états secondaires interviennent; ils évoquent l’image de la nation allemande, et ils dictent les conditions de la paix. Or, dans les conjonctures actuelles, cette intervention est au moins probable. Nous ne saurions nous dissimuler que, pendant la guerre, et surtout lorsque l’armée française eut si rapidement refoulé jusque sous les murs de Vérone l’armée autrichienne, deux fois vaincue en de mémorables rencontres, les sympathies des états secondaires ne se soient ouvertement manifestées en faveur de l’Autriche. Légitimes ou non, les sentimens du corps germanique avaient pris à l’égard de la France un caractère si prononcé de défiance et d’hostilité, qu’une politique prudente devait en tenir compte. La guerre terminée, il est évident que ces mêmes états, qui ont attribué à la rivalité de l’Autriche et de la Prusse les périls imaginaires de l’Allemagne, vont employer tous leurs efforts au rapprochement des deux cours, et l’on peut admettre que l’union commerciale sera essayée comme le terrain le plus favorable pour la réconciliation. Nous sommes précisément à la veille de 1860, date fixée pour les négociations à ouvrir en vue de l’association austro-allemande. Que l’on se souvienne du motif politique et tout extérieur qui a déterminé la conclusion du traité du 19 février 1853; des considérations analogues pèseront sans doute sur les négociations de 1860,

Nous avons vu avec quelle persévérance l’Autriche s’est appliquée, depuis 1848, à introduire son action dans les affaires du Zollverein. La politique inaugurée par le prince Schwarzenberg est déjà passée à l’état de tradition; elle a pénétré dans la doctrine des cabinets autrichiens. L’empire en a retiré des avantages considérables. La suppression des douanes intérieures qui séparaient du reste de la monarchie la Hongrie et les provinces dalmates, l’abolition des prohibitions et l’établissement d’un tarif uniforme sur les frontières extérieures, en un mot toutes les réformes économiques qui, dans le cours de ces dernières années, ont été essayées en Autriche, sont dues en grande partie à l’idée fixe que poursuit