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tesse de sa face, de l’attitude élancée de son col, et de la ténuité élégante de ses formes, à la fois rondes et allongées. Elle me rappela certains bronzes antiques, plutôt égyptiens que grecs, qui semblent avoir servi de type à une époque de la statuaire française. Cette structure fine et sans nœuds apparens avait pour résultat une souplesse et une grâce inouies dans les moindres gestes, dans les plus insignifiantes attitudes. Elle pouvait se passer d’avoir un joli visage. Sa personne seule constituait une beauté de premier ordre.

Bien qu’elle fût mise avec une extrême pudeur, comme il faisait chaud et qu’elle avait un corsage de mousseline et des manches flottantes, je voyais très bien son buste et ses bras. L’aisance de ses mouvemens faisait deviner l’harmonie entière de son être ; mais sa figure avait une expression qui ne s’accordait pas avec cette suavité un peu voluptueuse : c’était une physionomie décidée, dont le principal caractère était le courage et la franchise. L’œil était limpide et le regard ferme. Le nez, admirablement délicat, s’attachait d’emblée à un front très droit, plutôt large qu’élevé, comme si la réflexion et la mémoire y eussent tenu plus de place que l’enthousiasme et l’inspiration. Ses cheveux noirs, courts et frisés, donnaient aussi quelque chose de mâle à cette figure d’enfant résolu, honnête et intelligent. Sa bouche vermeille, garnie de petites dents très égales et un peu pointues, était adorable de pureté ; mais le sourire était incisif, le rire franchement moqueur. En résumé, elle me parut jeune nymphe des pieds au menton, et jeune dieu du menton à la nuque. C’était peut-être ainsi que je m’étais figuré Diane, gazelle par le corps, aigle par la tête.

Elle avait une manière d’être, de parler et de se mouvoir qui me confirma dans cette appréciation. La voix était harmonieuse, point voilée, forte pour son petit être, un timbre admirable, mais plus fait pour commander que pour flatter. Le geste était à l’avenant. Elle servait à table et touchait aux objets placés près d’elle avec une dextérité sans hésitation : aucune gaucherie possible dans ces petites mains qui semblaient obéir, pour les moindres fonctions, à la pensée rapide et sûre d’elle-même. Elle donnait avec calme et politesse des ordres monosyllabiques, comme une personne qui sait ce qu’elle veut et qui sait le faire comprendre.

— Douce et absolue ! pensais-je. C’est un peu comme ma mère ; mais il y a ici la grâce et l’animation qui dérangent toute comparaison. — Et, comme je me jugeais parfaitement détaché de tout projet, j’ajoutais en moi-même : — Si j’ai étudié avec fruit quelques types féminins, et si les théories que j’ai pu me faire ne m’égarent point, cette petite personne mènera son mari, son ménage et ses enfans, par un chemin très logique, vers l’accomplisse-