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vint démontrer que sept cents ans auparavant, ces animaux étaient fort nombreux dans le sud de la péninsule Scandinave. La motacilla alba disparut de même en Suède pendant trente ans environ.

Ainsi la carte zoologique est nécessairement variable, et l’on ne saurait indiquer que par des à-peu-près l’étendue relative assignée à chaque espèce. Toutefois les déplacemens de l’animal ne peuvent, sauf quelques exceptions, dépasser certaines limites extrêmes, au-delà desquelles il y a pour lui impossibilité de vivre et de se propager. On arrive à formuler pour chaque genre et pour chaque espèce de véritables lois de distribution qui fournissent à la géographie zoologique des principes certains. L’animal a été créé pour vivre et se reproduire ; quelque vaste que soit la région qu’il habite, il se fixera dans les seuls endroits qui renferment la nourriture dont il a besoin et lui fournissent le genre d’abri ou de support pour lequel il a été organisé. Un naturaliste hollandais auquel on doit de précieuses observations de géographie zoologique, H. Schlegel, a remarqué qu’à Sumatra l’orang-outang et le semnopithèque nasique se retrouvent toujours dans des circonscriptions de même nature et ne hantent jamais, même à peu de distance, des cantons qui ne leur conviendraient qu’imparfaitement. Sur les montagnes, à des hauteurs différentes, on observe souvent des animaux différens, parce que les zones d’élévation constituent autant de régions physiques distinctes. Chaque espèce a donc un point du globe qui est comme son berceau et d’où elle rayonne en différens sens, jusqu’aux points où les conditions qui lui sont Indispensables cessent de se manifester. Cependant elle n’atteint pas toujours ces limites : des obstacles dus au relief et à la disposition du sol peuvent en effet s’opposer à sa propagation, ou bien sa faculté de locomotion n’est pas assez énergique pour lui permettre de si lointaines migrations. C’est ainsi que les animaux de la pente occidentale des Cordillères ne se retrouvent généralement pas sur le versant oriental, les cimes des Andes formant une barrière que ces animaux ne sauraient franchir. On ne rencontre dans les nombreuses îles de l’Océan-Pacifique presque aucun serpent, quoique le grand archipel indien appartienne aux régions de la terre qui en sont le plus peuplées ; ces reptiles n’ont pu traverser les bras de mer qui séparent la Polynésie de la Malaisie. Ce n’est que dans des cas exceptionnels, lorsqu’elles sont poussées par la faim, entraînées par un instinct commun à tous les individus, qu’on voit tout à coup des espèces envahir des contrées qui leur étaient étrangères. C’est ainsi que des nuées d’insectes ailés, et même non ailés, s’abattent quelquefois sur un pays séparé de la région qu’ils habitaient par de puissantes barrières. Les sauterelles ont de la sorte traversé par myriades le canal de Mozambique pour fondre sur Madagascar.