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II

Rien ne s’opposerait à ce qu’on admît un grand nombre de centres de création, si la faune du globe avait toujours été ce qu’elle est aujourd’hui, et si l’on pouvait croire que tous les animaux ont apparu à la même époque ; mais la paléontologie nous enseigne le contraire. Elle nous apprend non-seulement qu’il y a des espèces perdues et éteintes depuis des siècles, depuis des milliers d’années, mais que de plus la distribution des genres et des espèces qui se rencontrent actuellement a été différente aux âges antérieurs. Abandonnant l’idée que les animaux ont été détruits à la suite de cataclysmes immenses et de convulsions subites pour être remplacés par d’autres, les géologistes ont été amenés à reconnaître que, durant de longues périodes, des changemens se sont graduellement opérés dans la répartition des continens et des mers et la constitution des climats locaux. Les animaux d’une époque, qui avaient échappé aux causes lentes de destruction de l’époque précédente, ont continué d’exister comme par le passé, mais se sont différemment distribués. Sans doute, à mesure qu’on s’est approché de la période actuelle, les mouvemens du sol se sont adoucis et simplifiés ; des changemens profonds n’en ont pas moins eu lieu. De là une succession non interrompue de migrations et de déplacemens qui ont abouti à l’ordre contemporain, lequel est loin d’être permanent.

Pour nous rendre compte de la distribution actuelle des espèces animales, il faut donc remonter aux âges antérieurs, et en particulier aux périodes quaternaire et tertiaire, qui ont immédiatement précédé la nôtre. Il est vrai que, dans le cours de chaque nouvelle période, de nouveaux types ont apparu, d’autres sont nés des modifications profondes éprouvées par des types déjà existans. Des animaux inconnus aux âges primitifs sont venus se joindre à ceux que les révolutions progressives du sol forçaient à se déplacer. La période quaternaire, appelée aussi, mais improprement, diluvienne, a laisse en divers points de la surface terrestre de nombreux dépôts qui attestent son existence et sa durée. Jadis ces dépôts étaient étudiés en bloc, et l’on ne savait pas y distinguer des âges différens. Aujourd’hui on divise généralement la période quaternaire en deux grandes phases, ou, comme disent les géologistes, deux étages. Un ingénieur des mines qui s’est plus particulièrement livré à l’étude de ces terrains, M. Scipion Gras, compte même en France trois étages. M. d’Archiac, auquel on doit une intéressante histoire des progrès de la géologie, reconnaît pendant l’époque quaternaire cinq