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et les grands ruminans qui ont disparu à la suite des dernières révolutions du globe.

Ces découvertes doivent attirer une attention sérieuse sur les idées émises, il y a plusieurs années, par le savant M. Nilsson. Le naturaliste suédois a tiré de l’examen des dépôts quaternaires de la presqu’île Scandinave des inductions curieuses sur la condition des indigènes qui l’ont jadis habitée. Les observations des géologistes ont démontré qu’il s’opère dans le nord de la presqu’île un mouvement graduel d’élévation, correspondant à un abaissement dans la partie méridionale. La mer a donc vraisemblablement gagné peu à peu sur la Gothie, et il faut en conclure qu’originairement le sud de la Suède était réuni au Danemark, et par conséquent à l’Allemagne, tandis que la partie septentrionale demeurait encore sous les eaux. C’est à l’époque où la Scanie tenait au continent, qu’elle a dû recevoir les grands animaux herbivores dont les tourbières de cette province renferment les ossemens ; à leur suite vinrent sans doute les carnassiers qui les poursuivaient. L’homme a dû exister à cette époque, puisqu’on a déterré près de Lund le squelette d’un bos priscus, portant l’empreinte bien reconnaissable d’une flèche dont il avait été atteint. Dans une autre tourbière de la Scanie, sous un monceau de cailloux contenant des restes de très anciens et de très grossiers engins de pêche et de chasse, le squelette d’un ours des cavernes a été rencontré. Les flèches et les hameçons étaient faits d’os et de pierre, tout semblables, quant à l’apparence, à ceux qu’on a retirés des antiques tumulus de la Scandinavie, construits en pierres brutes non taillées et presque constamment orientés au sud. M. Nilsson en conclut que ces tumulus renferment les ossemens des premiers habitans de la Scandinavie, et en effet la forme des crânes déterrés sous ces amas de pierres brutes annonce une race fort différente de la race gothique. Ces crânes sont remarquablement courts ; ils présentent beaucoup de largeur et d’aplatissement à l’occiput ; les os pariétaux sont proéminens ; en un mot, on y retrouve les caractères ostéologiques des Lapons et des Samoyèdes.

L’existence de l’homme peut remonter aux époques géologiques qui précédèrent la nôtre, comme l’a montré M. Littré dans une curieuse étude publiée ici même[1]. En présence des faits observés par M. Nilsson, on peut se demander si la Suède ne comptait pas déjà des habitans, il y a bien des milliers d’années, si les ossemens humains découverts au Brésil par M. Lund, mêlés à des fossiles de diverses espèces perdues, ne datent pas d’une époque antérieure à tous les temps dont parle l’histoire. Quoi qu’il en soit, l’homme des

  1. Voyez la livraison du 1er mars 1858.