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Après avoir écrit longtemps au milieu d’un silence solennel, rebb Wolf se leva et lut à haute voix le contenu des ténoïm (acte de mariage). Le mariage devait avoir lieu dans six mois. Rebb Wolf, à qui on avait parlé d’un si court délai, avait résisté d’abord ; mais Schémelé, par l’organe de son père, avait tant insisté sur cette clause que rebb Wolf dut passer condamnation.

On arriva ensuite à l’acte symbolique des fiançailles. Rebb Wolf tira de l’immense poche de son gilet un morceau de craie. Avec cette craie, il traça un rond au milieu de la salle. Sur ce rond, il fit placer toutes les personnes présentes. Schémelé était en face de Débora. Rebb Wolf, placé au centre du cercle, présenta à tous les témoins de cette scène un pan de sa redingote que chacun toucha à tour de rôle. Il se dirigea ensuite vers la commode, prit une tasse qui était posée là tout exprès, se replaça au milieu de l’assistance toujours rangée en cercle, éleva le bras sans doute pour augmenter la force d’impulsion, laissa tomber la tasse qui se brisa en mille morceaux et cria à haute voix : Masel tof ! Tout le monde répéta en chœur : Masel tof ! Et chacun ramassa pour l’emporter un débris de la tasse. Les fiançailles étaient consommées. Ce cercle tracé avec de la craie veut dire que le fiancé et la fiancée ne doivent plus désormais dévier de la ligne où ils sont entrés. Le pan d’habit touché par tous les assistans est, en vertu du droit talmudique, un signe d’assentiment dans toute espèce de transaction possible. La tasse brisée, comme la bouteille que l’on casse le jour du mariage, est une sorte de mémento mori en action : il n’y a pas de joie sans deuil. Enfin le mot masel tof est une formule hébraïque de félicitation signifiant à peu près : « Que tout soit pour le mieux ! »

Peu d’instans après la cérémonie, le père Nadel et le père Salomon firent entrer Ephraïm dans une pièce voisine. À travers la porte, on entendit retentir un son métallique. Selon la coutume, on réglait immédiatement les honoraires du schadschen (agent matrimonial). Conformément au tarif en usage, Éphraïm Schwab reçut 4 pour 100 de la dot. Il rentra rayonnant.

Alors commença le repas des fiançailles, qui se prolongea gaiement au milieu d’éloges unanimes donnés au talent culinaire de la grande Dina. Le dessert m’offrit de nouveau l’occasion d’observer quelques-uns de ces vieux usages dont le culte ne périt pas en Israël. C’est à ce moment du repas que s’échangent les cadeaux de fiançailles. Salomon remit une boîte à son fils, qui l’offrit à sa fiancée : la boîte contenait une broche et une boucle à ceinture en or. Nadel à son tour tira de sa poche un étui en peau de chagrin et le remit à Schémelé : l’étui renfermait une magnifique pipe en écume de mer, avec garniture, couvercle et chaînette en argent. Puis on