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pied, ce qui fait par hectare, suivant l’espacement des arbres, de 400 à 800 kilogrammes provenant de 800 à 1,800 kilog. de graines récoltées fraîches.

Pour les fruits à portée de la main, la cueillée se fait directement ; pour les fruits hors de portée, on coupe le pédoncule à l’aide d’une serpette courte au bout d’une gaule ; il faut se hâter d’ouvrir les capsules et d’en extraire les graines (au moyen d’un gros couteau de bois arrondi), afin d’en prévenir la germination. Une fois extraites de la capsule, les graines, enveloppées de leur arille pulpeuse, sont classées suivant la qualité. On met à part celles qui ont subi des altérations ou ne sont pas venues à maturité suffisante. On étend ces graines au soleil afin d’en commencer la dessiccation, et tous les soirs on les met en tas à l’abri. Dès lors commence une fermentation active dans les jus sucrés de la pulpe ; la température s’élève et pourrait occasionner des altérations fort préjudiciables, si l’on ne se hâtait de les prévenir en étendant les tas en une couche de faible épaisseur. Parfois aussi les pluies surviennent, qui s’opposent à l’achèvement en temps utile de la dessiccation : dès lors plusieurs altérations spontanées sont à craindre : les fermentations acides et putrides, ou bien des végétations cryptogamiques, des moisissures qui se développent, remplaçant en partie les principes de l’arôme agréable par des productions à odeur fétide.

Il y aurait sans aucun doute de grandes améliorations à introduire dans cette phase de la récolte et de la préparation des graines : on y parviendrait sans peine en appliquant dans ces contrées les systèmes efficaces de dessiccation par des ventilateurs ou étuves à courans d’air usités en Europe. Dans les exploitations des Antilles que M. Tussac a visitées, on met en pratique un procédé susceptible de mieux régulariser la fermentation et d’activer ensuite la dessiccation : les graines fraîches sont entassées dans de grands canots en bois, puis recouvertes avec des feuilles de bananier et de balisier, assujetties par des planches et comprimées sous le poids des pierres dont on les charge. L’air, n’ayant pas un libre accès dans la masse, ne peut aussi puissamment activer la fermentation ni favoriser le développement des moisissures. Au bout de quatre ou cinq jours, durant lesquels on les remue chaque matin, les graines ont acquis une teinte rousse ; on les étend alors sur un glacis en couche mince au soleil, et deux ou trois fois par jour on les remue à la pelle pour renouveler les surfaces et faciliter l’évaporation ; mais on est encore obligé d’abriter ces graines sous des hangars pendant la nuit et lorsque la pluie survient[1].

  1. On a d’ailleurs fort Il redouter l’avidité des rats, très friands de ces amandes si nutritives. De petits chiens griffons anglais, spécialement dressés, peuvent avec succès faire la chasse aux rats, avec succès non pas toujours pour eux, car les nègres leur disputent leur proie ; souvent ils s’en emparent et mangent avec délices ces petits rongeurs, nouvel exemple de l’adage sic vos non vobis. Tel est même le goût des nègres pour cette alimentation, qu’un propriétaire des Antilles prétendit un jour vendre plus cher son habitation en raison des chasses de ce genre, très abondantes chez lui, et qui pouvaient, disait-il, nourrir presque tout son personnel.