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du paupérisme n’avait jusqu’alors châtié l’indigence qu’à l’état de vagabondage, supposé toujours criminel ; Henri VIII ne s’en tint pas à cette rigueur : il punit comme un crime la pauvreté, la sainte pauvreté, le lien qui unit les hommes par la charité et la reconnaissance, la source des plus douces jouissances et de la plus charmante vertu. Le statut prescrivit la recherche et l’immatriculation de tous les pauvres âgés ou infirmes, à qui dut être délivrée une autorisation de mendier dans une certaine circonscription, d’où ils ne pouvaient sortir sous peine de deux jours et deux nuits de stock au pain et à l’eau ; le fouet jusqu’au sang fut réservé aux mendians valides et aux étudians des universités d’Oxford et de Cambridge mendiant sans autorisation. Enfin un dernier article punissait d’une amende, avec emprisonnement au bon plaisir du roi, l’aumône ou l’asile donné à un mendiant non autorisé. Cet acte était d’une iniquité d’autant plus cruelle, qu’à cette époque l’homme le plus laborieux se trouvait souvent dans l’impossibilité d’obtenir du travail. Il parut pourtant, cinq ans après, en 1536, un statut plus atroce encore, et l’on sait positivement par une lettre de Thomas Dorset, curé de Sainte-Marguerite, qu’il était l’œuvre de Henri VIII lui-même, qui vint en personne le présenter aux communes. Ce bill rendit les vagabonds passibles de la peine du fouet et de la section du cartilage de l’oreille droite. En cas de récidive, il les condamnait à la peine de mort.

Cependant le roi, qui se disposait à supprimer les établissemens monastiques, avait senti la nécessité de suppléer par des institutions civiles à la charité des maisons religieuses. Ce même acte de 1536 prescrivit donc aux autorités urbaines et paroissiales l’assistance des pauvres invalides au moyen d’aumônes volontaires, de manière qu’aucun d’eux ne fût forcé d’aller mendier hors de sa paroisse. Il décréta en outre l’emploi continuel des vagabonds et mendians valides, de manière à ce qu’ils pussent toujours gagner leur vie, sous peine pour chaque localité d’une amende de 20 shillings par mois tant que la loi n’aurait pas été mise à exécution. Tout en recommandant aux maires et aux marguilliers des quêtes hebdomadaires pour recueillir les aumônes, le statut déclarait expressément que cette contribution n’était pas obligatoire, et que personne n’y devait être contraint que par sa propre charité. Le roi, qui comprenait et voulait éviter, bien vainement, comme on le verra, les conséquences du droit à l’assistance, eut aussi le mérite d’une mesure qui n’a cessé, sous aucun de ses successeurs, de se pratiquer en faveur des enfans vagabonds. Ces jeunes vagabonds durent être arrêtés, habillés et mis en apprentissage chez des fermiers et d’autres chefs d’industrie aux frais de la caisse de charité de chaque