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l’Italie ne sera point malheureusement la paix de l’Italie. Supposons en effet que ce roman se réalise. La Sardaigne borne ses annexions actuelles à la Lombardie, à Plaisance et à Parme ; les princes sont miraculeusement restaurés ; les Romagnols se sont contentés des réformes si tardivement octroyées par le souverain pontife ; les volontaires des généraux Fanti et Garibaldi se sont docilement laissé licencier ; la société puissante que M. La Farina vient de réorganiser est dissoute ; une confédération, dont font partie l’empereur d’Autriche, le grand-duc de Toscane, prince de sa famille, le roi de Naples, son beau-frère, le duc de Parme, allié à lui par un mariage, le pape et la Sardaigne, est établie et entre en fonctions. Nous le demandons : qu’y a-t-il eu de fait ? Un nouveau cadre, soit ; mais aucun des élémens qui ont jusqu’à présent été en guerre en Italie a-t-il été éteint ou même écarté ? Le principe de la nationalité a-t-il été satisfait ? Non, puisque l’Autriche demeure, aux termes mêmes de l’assimilation que l’on a posée entre elle et le royaume des Pays-Bas par rapport au Luxembourg, pleinement propriétaire et souveraine de la Vénétie. Et l’initiative de la vie nationale, la direction de ce mouvement auquel aspire tout peuple qui veut vivre, où seront-elles, et qui se les disputera ? Quoi ! une confédération naturelle et fille du temps, l’Allemagne, s’agite sans cesse pour trouver ou repousser une hégémonie, et vous croyez qu’une confédération improvisée après une longue série d’oppressions et de souffrances, après une lutte passionnée et sanglante, s’endormira dans la contemplation d’un cadre artificiel que repoussent ses membres les plus éclairés et les plus énergiques ! Dans ces luttes pour l’hégémonie qui passionnent les vieilles fédérations, vous croyez qu’un peuple méridional, que l’ardente Italie apportera le flegme et la patience des races allemandes ! Et le principe libéral, le principe des institutions représentatives, qu’en ferez-vous ? Si Naples, si le pape, si l’Autriche à Venise, si le grand-duc de Toscane octroient des institutions représentatives réelles et sincères, ne donnerez-vous pas en fait au Piémont cette hégémonie qui est le véritable sens du mouvement annexioniste qui vous offusque et vous offense ? Si au contraire les états gouvernés par les princes de la maison d’Autriche ou dominés habituellement par l’influence autrichienne ne jouissent pas d’un sincère régime représentatif, alors le parlement de Turin demeurera ce qu’il était avant la guerre, le véritable parlement de l’Italie entière, et vous retombez dans la même difficulté. Pour que la paix, suivant l’Autriche, se puisse rétablir en Italie, nous ne voyons qu’une condition. Le dénoûment logique du roman du chevalier Debrauz, c’est que la Sardaigne rebrousse au-delà de 1848, aux temps antérieurs au statut, et que le premier ministre du roi Victor-Emmanuel soit M. della Margharita.

Nous ne rentrerons pas non plus dans la discussion des affaires italiennes à propos de la lettre écrite le 20 octobre par l’empereur au roi de Sardaigne. Cette lettre est assurément un acte très grave ; mais la publicité qui a été donnée à ce document est, elle aussi, un fait dont la gravité n’échappe à personne. Au fond, on pourrait dire de cette lettre qu’elle est un ultimatum amical ; mais comment se fait-il qu’elle ait été divulguée ? Le Piémont aurait-il, sans bonnes raisons, décliné les conseils qui lui étaient adressés ? L’empereur aurait-il été obligé de prendre le public à témoin de la sagesse d’exhortations qui n’auraient pas été écoutées ? Serait-ce plutôt