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plis amples sur leurs épaules ; ils ne portaient ni bas ni souliers, et étaient coiffés de chapeaux en jonc tressé aux larges rebords. Un officier, suivi de son secrétaire, monta sur le pont ; c’était le maître du port. Il s’enquit du nom du bâtiment, du chiffre de son équipage et de l’objet de sa visite. Ce Malgache s’exprimait en anglais ; il avait fait partie d’une ambassade envoyée en Europe en 1837, et se trouvait avoir visité la France et l’Angleterre. Il se mit à causer familièrement, demandant des nouvelles de la politique et des théâtres ; il prévint les visiteurs qu’il n’y avait pas grand espoir que la reine se départît de ses mesures rigoureuses tant qu’on ne lui paierait pas une indemnité pour l’attaque de 1845, et il insista sur l’injustice qu’il y avait de la part de nations étrangères à assaillir un peuple parce qu’il prétendait faire prévaloir ses lois sur son territoire. Quant à une adresse que les négocians de Maurice avaient rédigée pour la reine Ranavalo, il ne pouvait pas s’en charger, cela regardait un officier spécial. En effet, cet officier, prévenu de l’incident, se présenta à bord, donna de l’adresse un reçu en langue malgache, et avertit que, pour l’envoyer à Atanarive et recevoir la réponse, c’était une affaire de quinze à seize jours ; le gouverneur de la ville pouvait seul décider s’il convenait, dans l’intervalle, d’autoriser les communications du schooner avec la côte. Le lendemain, un pavillon blanc hissé sur la douane fit connaître que cette autorisation était accordée, et nos missionnaires purent débarquer.

À terre, ils furent traités fort amicalement. Leur ami, le maître du port, les conduisit à sa demeure, grande et solide construction indigène longue de cinquante pieds, haute de vingt à trente, entourée d’un vaste enclos consacré à diverses cultures, au milieu desquelles se dressent des étables et des huttes d’esclaves. La façade, sur laquelle s’ouvrent une porte et une série de fenêtres symétriques, est entourée d’un banc et ombragée par un large verandah. Les parois, faites de planches bien jointes, sont tapissées intérieurement par une sorte de tissu tressé avec une plante ; dans un coin se trouvait un bois de lit à pieds recouvert de nattes, dans les autres des ustensiles de cuisine, des sacs de riz, des armés indigènes et européennes ; au centre une table assez bien façonnée, sur laquelle étaient disposés des rafraîchissemens ; enfin çà et là des sièges faits de nattes en forme de divans carrés. Plusieurs femmes étaient occupées dans diverses parties de cette vaste pièce ; elles disparurent à l’entrée des visiteurs. On s’assit, et la conversation venait de s’engager, lorsqu’entra un nouveau personnage suivi de son cortège. C’était un homme grand et fort de cinquante à soixante ans, dont la physionomie rappelait entièrement le type des insulaires de la mer du Sud. Il était vêtu d’une belle tunique en forme de chemise à collet et à