Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/367

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

services rendus à la navigation par l’établissement, entre Villequier et Quillebeuf, des digues qui, en resserrant le lit de la Seine, ont obligé les eaux à le creuser. Des ordres furent donnés à cet effet par M. Doyat, inspecteur-général des ponts-et-chaussées, dont le nom restera attaché, au bienfait de ces travaux. « J’invitai (dit-il dans son rapport du 4 décembre 1850) M. l’ingénieur Beaulieu à faire lever entre Villequier et Quillebeuf des profils qui, rapprochés de ceux qui avaient été faits avant les travaux, permissent de calculer le cube enlevé du chenal et celui déposé derrière les digues. Il résulte des calculs faits par cet ingénieur :

m
« 1° Que le cube des alluvions déposées est entre Villequier et La Vaquerie.
12,354,008
« Entre La Vaquerie et Quillebeuf
13,527,886
« Total
25,881,894
« 2° Que le cube enlevé dans le chenal est, entre Villequier et La Vaquerie 5,442,300
« Entre La Vaquerie et Quillebeuf 2,494,446
7,940,446
« En sorte qu’en admettant que les 7,940,446 mètres de sables enlevés du chenal soient allés se loger derrière les digues, il y a eu en outre un apport d’alluvions devenues de l’amont et de l’aval. »
17,941,448

Cet énorme atterrissement s’est déposé en quatre années sur une surface de 1,408 hectares, et, quelles que soient les circonstances particulières dans lesquelles il s’est formé, l’application de la puissance dont il est l’œuvre aux 15,000 hectares que lui livreraient les projets qu’on exécute aurait des conséquences faciles à prévoir. Après un endiguement complet, il resterait tout au plus à calculer le terme fixe du comblement de toute la partie du golfe qui ne serait pas occupée par le chenal. Pour affirmer que le golfe entier, ou peu s’en faut, peut être impunément soustrait aux oscillations des marées, il faudrait beaucoup de hardiesse. Au retour de ses campagnes hydrographiques à l’embouchure et dans la baie de la Seine, M. Beautemps-Beaupré n’était point de cet avis. Ses confrères de l’Académie des Sciences, ses camarades et ses amis l’ont alors entendu protester, avec l’autorité de sa longue expérience, de ses observations récentes et d’une justesse d’esprit qui rappelait souvent celle de Vauban, contre des projets de barrages dont les effets auraient beaucoup ressemblé à ceux des digues gigantesques dont il est aujourd’hui question. Il croyait que si l’Elbe, la Seine, la Loire, la Garonne, le Tage, arrivent à la mer par des golfes étroits donnant un vaste champ au jeu des marées, c’est une disposition qui a sa raison d’être, qu’on ne saurait la changer sans imprudence, que tout au moins les oscillations des masses d’eau qui remplissent ces