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signale au loin la côte. Les navigateurs qui s’approchent ou s’éloignent du Havre y perdraient un effet pittoresque d’une rare majesté, mais l’affranchissement de l’embouchure de la Seine mérite bien qu’on y fasse quelques sacrifices.

Les travaux dont l’objet est le plus simple et le résultat le plus sûr ne sont pas ceux dont l’étude coûte le moins de soins, et l’on en fera l’expérience quand il s’agira de tarir, dans la dégradation des falaises de Caux, une des principales sources de l’encombrement de la Seine. Le choix de l’emplacement des épis, la détermination de leurs dimensions et de celles des intervalles à laisser entre eux, la graduation de l’exécution des travaux sur les quantités de galet fournies par la côte, l’ordre de priorité à fixer, les difficultés très réelles de l’établissement d’ateliers entre la mer et le pied de précipices souvent infranchissables, mille autres questions qui ne naissent qu’à l’aspect des lieux ou à l’apparition de dangers impossibles à prévoir exigeront une force d’âme et une puissance d’observation peu communes. La nouveauté du sujet, la grandeur de la lutte, la perspective des résultats, sont faits pour animer des esprits élevés ; armés des ressources actuelles de l’art de l’ingénieur, ils ne rencontreront pas d’obstacles insurmontables.

Ce qu’on sait du régime de la dégradation des falaises montre combien il reste à faire pour le connaître à fond. Osons cependant signaler, comme une preuve de l’aptitude du galet à former jusqu’aux musoirs des épis, les constructions que de pauvres pêcheurs font pour l’exercice de leur métier sur l’estran des falaises ; elles rendent peu coûtent moins encore, et, quoique submergées à chaque marée, elles résistent longtemps aux coups de la mer. La chaux hydraulique est partout sur place et prête à marier sa résistance à celle du galet. En second lieu, la falaise dont la fixation serait la plus nécessaire est incontestablement celle qui, au cap de La Hève, sert de base à deux phares dont l’abîme béant se rapproche tous les jours. Cette falaise est aussi celle où les travaux seraient les plus sûrs et les plus faciles : l’affluence des galets, plus forte que partout ailleurs, le voisinage du Havre, la disponibilité des hommes et du matériel nécessaires à la formation d’ateliers puissans, ne permettent pas de doutes sur le succès assuré à l’entreprise. Ce succès obtenu serait un acheminement vers l’exécution de conceptions plus hardies, et, restât-il isolé, un grand bien n’en serait pas moins acquis. La fixation des falaises aura cet avantage, que chaque tronçon de la ligne entière mis en état de défense atténuera un danger et donnera une garantie d’avenir à la navigation.

Si la côte du Calvados apporte aux atterrissemens de l’embouchure de la Seine un contingent beaucoup plus considérable que celui des falaises de Caux, il importe davantage de la mettre en état