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la substance qui s’altère, et le lieu où se produit l’altération : double condition sans laquelle on ne saurait acquérir la connaissance objective de la lésion que l’on décrit. Partant de là, les disciples de Laënnec croient trouver dans l’anatomie pathologique, considérée par eux comme étant indépendante de l’anatomie normale, une méthode et une classification des maladies fondées sur les lésions organiques, qu’ils décrivent avec un soin minutieux, mais qu’ils ne connaissent point en réalité, qu’ils sont incapables d’expliquer, en procédant comme ils font. En effet, les lésions des organes ou de leurs tissus n’étant que des modifications morbides de ces organes ou de ces tissus à l’état normal, il suit de là qu’il faut de toute nécessité rattacher la lésion d’une partie quelconque de l’organisme à l’état normal de la partie correspondante dans ses divers âges. L’anatomie pathologique ne saurait en réalité être regardée comme un monde à part, elle n’est point indépendante de l’anatomie normale ; elle est au contraire naturellement subordonnée à celle-ci, elle lui emprunte ses subdivisions et sa méthode, et il n’en saurait être autrement, puisqu’elle n’a pas pour unique office d’étudier les changemens de forme, en suivant la méthode purement descriptive, mais encore et surtout d’observer les altérations de structure par excès, diminution ou aberration. Par conséquent il n’est pas logique d’en faire le fondement de la médecine. Il est aisé de comprendre maintenant pourquoi les idées mises en avant par les disciples de l’école anatomique ont trouvé accueil et faveur auprès des médecins dits organiciens, du nom de la théorie qu’ils professent, et suivait laquelle toute maladie se rattache à la lésion matérielle d’un organe : théorie très simple sans doute, mais radicalement impuissante, quoi qu’on veuille dire, parce que les moyens ordinaires d’investigation qui sont à l’usage de ces médecins ne vont point jusqu’à constater les altérations de quantité ou de nature des parties constituantes des organes, c’est-à-dire des principes immédiats et des élémens anatomiques. En résumé, organiciens et anatomistes peuvent se donner la main, car les uns et les autres suivent la même voie et s’arrêtent au même point, subissant, bien qu’à leur insu, l’influence de l’école médicale que nous appellerons descriptive, dont le vrai chef est Pinel, lequel a exagéré dans l’application qu’il en a faite le conseil de Sydenham. Ce grand praticien souhaitait que le médecin s’attachât à ce qu’il appelait l’histoire naturelle des maladies, conseil excellent en lui-même, quoiqu’il émane de Bacon, mais qui, mal interprété ou pris trop à la lettre, a favorisé les tendances naturelles de certains esprits positifs et observateurs, bien que disposés aussi à se contenter de voir la superficie, sans aller jusqu’au fond des choses. Ainsi ont fait et continuent de faire organiciens et anatomistes : ils se sont fourvoyés dans un chemin sans issue : on comprend