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administré en santé ou en maladie et les symptômes divers de telle ou telle affection pathologique. Le changement déterminé par la maladie dans nos organes n’est donc point inaccessible ni invisible, comme on le prétend en homœopathie, puisqu’il demeure établi que la cause des symptômes morbides perceptibles est un dérangement survenu dans la matière des tissus ou des humeurs, soit par les influences extérieures, soit par le jeu même des parties lésées. Quant aux doses infinitésimales des médicamens, l’effet en est illusoire : elles n’ont point d’autre action dynamique sur le corps sain ou malade que celle qu’on leur suppose gratuitement. Dans cette méthode thérapeutique, tout se réduit en définitive à laisser les phénomènes de la maladie suivre leur cours naturel vers une fin heureuse ou malheureuse. Ce qu’on peut dire de plus favorable sur ceux qui appliquent cette méthode, c’est qu’ils observent à la lettre la seconde moitié du précepte hippocratique : « être utile, et ne pas nuire. » Encore n’est-il pas rigoureusement exact d’affirmer que ceux-là ne nuisent point dont l’intervention n’est qu’apparente, puisqu’ils laissent agir en réalité ce qu’on appelle à tort la bonne nature. Or la nature, qui n’est autre chose que l’économie vivante, n’est en soi ni bonne ni mauvaise, et ce n’est point elle qui est responsable, mais le médecin chargé de la diriger, de la régler, de la corriger dans ses écarts, de la modifier à propos, en la surveillant sans cesse. Les médecins attachés à la méthode préconisée par Samuel Hahnemann négligent les causes internes des maladies ; ils ne se préoccupent point des changemens ni des modifications qu’est susceptible de subir la substance organisée, ils affectent même de n’accorder aucune attention à la constitution de cette substance et à ses propriétés inhérentes.

Voilà ce qu’on appelle l’homœopathie. Ce n’est pas un système, c’est à peine une méthode, ou, pour mieux dire, c’est une combinaison d’hypothèses empruntées à divers systèmes, une tentative d’innovation où se fait encore sentir l’influence de la métaphysique et du spiritualisme mystique, car le merveilleux y joue son rôle, et une part très large y a été faite au surnaturel, à l’invisible, au mystère, à tout ce qui peut séduire les esprits faibles ou non éclairés.

L’enseignement qu’on doit retirer de tout ceci, c’est qu’en médecine il faut se garder de négliger ce qui est essentiel et fondamental pour courir après les chimères. Ce sont les hypothèses gratuites qui séduisent l’imagination et ne sauraient captiver que des esprits superficiels, peu préoccupés de chercher un contre-poids aux subtilités de la spéculation dans la connaissance positive des choses réelles, c’est-à-dire dans les notions objectives sur la constitution de l’économie vivante, à l’état normal ou pathologique. C’est par là seulement que l’art médical a été fondé sur une base solide.