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tissus, sans négliger les notions historiques. Ils l’ont fait avec l’autorité qui s’attache à leur nom. On sait assez que l’érudition et la acritique médicales sont redevables à M. Littré de la faveur dont elles jouissent de notre temps, et l’on n’ignore pas que la science de l’organisation doit infiniment aux travaux patiens et ingénieux du docteur Robin.

Que conclure de cette histoire des systèmes et surtout de la situation où se trouve aujourd’hui la médecine ? C’est que plus la médecine interrogera son passé, mieux aussi elle sera informée sur le caractère de sa mission et les vraies limites de son domaine. Aussi serait-il fort à souhaiter que les facultés de médecine, dans l’intérêt de leur propre gloire et pour l’avancement de l’art, eussent deux chaires qui leur manquent, l’une d’anatomie générale, l’autre d’histoire de la médecine. La première est la base de l’enseignement médical, la seconde en est le complément nécessaire. De la sorte les écoles acquerraient un caractère scientifique et littéraire, et les esprits cesseraient d’être uniquement dirigés vers la pratique qui les absorbe et les rapetisse. Ce double enseignement, introduit dans les trois facultés supérieures de Paris, de Montpellier et de Strasbourg, aurait, entre autres avantages, celui de donner une plus grande importance à chacun de ces corps enseignans, dont l’autorité, il faut le reconnaître, va tous les jours s’affaiblissant. En outre, les rivalités mesquines que la tradition perpétue entre les écoles médicales, et qui n’ont plus de raison d’être que dans le passé, disparaîtraient pour faire place à une émulation féconde, si la réforme de l’enseignement amenait partout l’uniformité des doctrines. Les disputes entre vitalistes et organiciens offrent désormais peu d’intérêt et surtout peu d’utilité. La médecine, telle que l’a faite la science moderne, n’accepte pour défenseurs ni spiritualistes ni matérialistes : elle échappe aux hypothèses de la métaphysique aussi bien qu’à celles de la physique et de la chimie. C’est sur la connaissance des élémens qui constituent l’ensemble de l’économie vivante que reposent les plus solides fondemens de l’art de guérir, et il est fort à regretter que cette idée n’ait pas encore pénétré dans les écoles ni dans les académies. Si la science de l’organisation était officiellement enseignée dans les facultés de médecine, elle aurait pour premier résultat de faire disparaître des abus qui n’amènent que trop souvent des scandales. Ni la médecine, ni la chirurgie n’accepteraient le défi des charlatans, et les inventeurs de spécifiques ne seraient plus admis sans réflexion à instituer des expériences dangereuses pour les malades et compromettantes pour les médecins qui les autorisent. Quand il sera scientifiquement démontré dans les écoles qu’il faut des agens particuliers pour agir sur des lésions particulières, il ne sera plus permis d’attendre d’un seul spécifique une action