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Une telle situation s’explique par l’histoire même de la Lombardie. Au temps glorieux où ses communes étaient libres, elles fabriquaient des armes et des étoffes de soie et de laine renommées par toute l’Europe. Malgré les guerres extérieures et les troubles civils, l’industrie enrichissait tous les citoyens ; elle disparut avec la liberté. Le sort de la Lombardie fut semblable à celui des provinces flamandes : le joug de l’Espagne y arrêta toute activité commerciale et industrielle. Les fiers et indolens hidalgos enseignèrent à la noblesse lombarde le mépris des utiles occupations et des fructueuses entreprises qui au moyen âge avaient assuré l’opulence des grandes familles et la prospérité de l’état. Des règlemens absurdes et une fiscalité tracassière découragèrent les métiers. Les fidéicommis et la main-morte s’étendirent rapidement, et les ouvriers, chassés des ateliers par la misère, allèrent mendier à la porte des couvens un pain que ne leur procurait plus le travail. Les populations des villes se laissèrent gagner par la paresse et l’inertie. L’agriculture seule ne fut pas négligée, mais elle souffrit nécessairement de la ruine de l’industrie. Les suites funestes de la domination espagnole se font encore sentir aujourd’hui. Ainsi que le remarque un économiste qui connaît parfaitement son pays, la Lombardie n’est pas tout à fait désespagnolisée (dispagnolizzata). Ici comme en Amérique, en Hollande, en Belgique, en Franche-Comté, la morgue et l’intolérance castillanes ont laissé les plus tristes souvenirs. La Lombardie, moins heureuse que d’autres dépendances de l’Espagne, n’a échappé à son joug que pour tomber sous celui de l’Autriche, et jusqu’à ce jour elle n’a point vu se ranimer ses antiques foyers de production.

Maintenant un avenir plus brillant semble s’ouvrir devant l’industrie lombarde. Cependant il faut remarquer qu’il lui manque un des principaux élémens de succès du travail moderne, le combustible : la houille lui fait défaut, et le bois est trop cher pour qu’on puisse l’employer avantageusement à faire marcher les machines à vapeur. Il existe, il est vrai, de grandes tourbières qui ne sont que peu ou point exploitées. La tourbe peut, en bien des cas, remplacer le bois et le charbon, mais malgré les nombreux essais faits en Hollande et en Suisse, on n’a pas encore complètement réussi à l’utiliser pour chauffer les chaudières des machines. À défaut de combustible, les fabriques pourraient employer comme moteur la force des chutes d’eau qui abondent dans la partie haute du pays. La Suisse offre sous ce rapport de bons exemples à suivre, et il faut croire que quelques années de paix et de liberté permettront aux populations lombardes d’en profiter.

La Lombardie ne produit plus aujourd’hui ces belles étoiles de soie si recherchées jadis. Elle exporte une grande partie de la soie