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bœufs, le nombre des chevaux n’est pas très considérable, et sauf les chevaux de luxe, ils sont presque exclusivement nourris de foin et d’herbe. La culture dont le succès a le plus d’influence sur le bien-être du peuple est le maïs ou blé de Turquie. Le maïs constitue la principale nourriture du pays, et les paysans italiens ont plus d’une raison pour y attacher une grande importance. En effet, sur une égale surface, il donne un produit deux fois plus grand que le blé : de trente à quarante hectolitres par hectare, au lieu de quinze à vingt. Le grain est plus facilement que celui du froment réduit en une farine qu’il n’est pas nécessaire de faire cuire au four et de transformer en pain. La ménagère peut, sans grand raffinement culinaire, préparer à volonté cette nourrissante bouillie, la polenta, dont l’abondance est aux yeux du peuple le comble du bonheur[1]. Cette utile céréale, en même temps qu’elle nourrit l’homme de son grain, nourrit le bétail de ses feuilles : quand elle a fleuri, on coupe la partie supérieure de la tige et on la distribue aux vaches, qui la mangent volontiers, et à qui elle donne un très bon lait.

La culture qui frappe le plus le voyageur est celle du riz, parce qu’elle fait penser aux latitudes tropicales. La Lombardie est la seule contrée de l’Europe où cette plante des pays chauds occupe une grande étendue de terrain et où elle donne des produits considérables. Le riz, originaire de l’Inde, n’était point cultivé en Italie pendant le moyen âge. On affirme que c’est un noble Milanais au service de Venise, Théodore Trivulzi, qui, vers 1522, essaya le premier de planter du riz dans une propriété à moitié inondée qu’il possédait près de Vérone. Son essai réussit, il trouva des imitateurs, et des marais qui, avant cette innovation, n’avaient aucune valeur en acquirent une très grande. Ce nouveau genre de culture se répandit partout le long du Pô, et aujourd’hui la Lombardie seule produit, année commune, un demi-million d’hectolitres de ce grain précieux dont la valeur est portée à 18 millions de francs[2]. Ce qui permet la culture du riz pour ainsi dire au pied des Alpes et en vue des neiges éternelles, c’est la grande chaleur de l’été en Lombardie et l’admirable système d’irrigations que ce pays possède. Cette plante des marais du Gange ne croit que dans une eau peu profonde et chauffée par les rayons du soleil à une température de

  1. Au moment où je quittais Venise, le gondolier qui m’avait conduit, voulant me remercier de la buona mano que je lui avais donnée, me souhaitait une longue vie, e sempre polenta.
  2. Le produit total des céréales s’élève annuellement pour les neuf provinces lombardes à 6,562,689 hectolitres, d’une valeur de 127,596,548 lire d’après la moyenne des dix années de 1842 à 1851. Le produit se répartit comme suit : froment 1,910,617 hect., seigle 403,906 hect., orge 45,512 hect., avoine 283,897 hect., maïs 3,109,628 hect., riz 480,720 hect., sarrasin, millet, etc., 328,305 hectolitres.