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l’acheteur en relation avec le vendeur ; viennent ensuite les periti, qui estiment le poids des feuilles sur l’arbre ; on débat le prix, puis, le marché conclu, l’acquéreur les cueille lui-même, et ainsi la production de la soie répand partout l’animation et la vie. Quand arrive le moment de former le fil avec les brins menus du cocon, on rencontre de tous côtés près des maisons des métayers, à l’ombre de la vigne, des jeunes filles habillées avec goût, chantant et causant entre elles, tout en dévidant hors des bassines remplies d’eau chaude le fil d’or qui produit l’aisance dans les campagnes et le luxe dans les villes. Représentez-vous d’une part ce tableau charmant : sur les beaux coteaux de la Brianza ou de Varese, le ciel bleu et le gai soleil éclairant de leurs rayons à travers la treille les bavardes contadines, qui filent la soie brillante comme la lumière du midi et destinée aux riches. Figurez-vous de l’autre une filature de Manchester où, au milieu de l’air assombri par la fumée du charbon et au rugissement de la vapeur, l’ouvrier silencieux, relancé par la machine, file le terne coton produit par des esclaves et destiné aux pauvres. Quel contraste ! L’industrie, qui pour l’Anglais est un rude asservissement et presque un martyre, est pour l’Italien un joyeux délassement et presque une fête. C’est au moyen de la soie, dont une grande partie est exportée, que la Lombardie paie ses achats à l’étranger, et qu’elle fait pencher la balance des échanges en sa faveur. On estime que la soie produite annuellement vaut plus de 100 millions de lire.

Quand on veut calculer la valeur totale de la production agricole d’un pays, on ne peut prétendre à obtenir que des résultats approximatifs. La statistique n’est encore nulle part assez avancée pour nous donner des chiffres exacts, et il fallait en espérer en Autriche moins qu’ailleurs. D’après les évaluations publiées à Vienne par le ministère du commerce[1], la valeur des produits de l’agriculture lombarde se serait élevée en 1850 à 360,630,000 lire ; mais M. Jacini, d’après des relevés faits avec le plus grand soin, et sévèrement contrôlés, estime que ce chiffre est beaucoup trop bas, et qu’il faut le porter au moins à 450 millions, somme considérable, surtout quand on songe qu’elle est le produit d’un million d’hectares soumis à la culture[2].

  1. Dans les Mittheilungen aus dem Gebiete der Statistik.
  2. D’après M. Jacini, la valeur totale des immeubles en Lombardie s’élèverait à 2,424,000,000 de lire, la dette hypothécaire à 610,000,000 de lire, la rente des immeubles à 133,000,000 de lire, laquelle déduction faite de l’impôt et de l’intérêt de la dette hypothécaire tombe à 58,000,000 de lire, dont 18,000,000 de lire pour les maisons et 40,000,000 pour les terres. On compte 304,841 maisons, ce qui fait à peu près 2 familles par maison et 5 personnes 1/2 par famille.