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matrone, la massara, qui réglait les détails du ménage ; les travaux étaient partagés suivant le goût ou les aptitudes de chacun. Cette forme d’association présentait un avantage aux cultivateurs, à qui elle permettait d’exploiter une grande ferme avec le bénéfice certain de la division du travail, et un autre avantage aux propriétaires, à qui elle donnait une meilleure garantie pour sa participation dans les produits. Le reggitore avait intérêt à être honnête dans ses rapports avec le maître, afin que ses associés le fussent aussi avec lui. En outre, la petite société, ayant un capital plus considérable que celui d’une seule famille, offrait plus de sécurité à la jouissance du propriétaire. Malheureusement ces associations remarquables, et en fait aussi favorables à la bonne culture qu’aux bonnes mœurs, tendent à disparaître ; elles disparaissent en partie sous l’influence d’un certain esprit d’indépendance qui se manifeste chez les associés, en partie aussi par suite de l’hostilité des propriétaires, qui ne peuvent pas imposer à l’association, disposant d’un assez grand capital, les conditions plus dures qu’ils font accepter aux familles isolées, plus pauvres et se faisant concurrence.

Les contrats ordinaires commencent à la Saint-Martin, et finissent au bout de l’an ; mais la tacite reconduction leur donnait jadis une durée pour ainsi dire illimitée, les conditions fixées par la coutume restant toujours les mêmes. Le métayer est attaché à son exploitation, dont il se considère comme le co-propriétaire. Il paie une somme annuelle qui varie de 20 à 40 lire pour la maison, et il supporte la moitié des impôts ; mais le produit du bétail est pour lui seul.

Dans les pays où les prestations en grains sont en usage, les cultivateurs se divisent en massari et en pigionanti. Les premiers forment des associations de trois à quatre familles pour cultiver une quinzaine d’hectares au moyen de bœufs ; les seconds vivent seuls avec leur ménage, et n’ont que leurs bêches. Dans toute la région des collines et des hautes plaines, comme dans les montagnes, on ne rencontre que très peu de journaliers. Les familles isolées ou associées suffisent à faire tous les travaux qu’exigent les exploitations. Les femmes ne sont guère employées aux gros travaux de la culture ; elles s’occupent de leur modeste étable, des soins du ménage et de la préparation de la soie. Les conditions de plus en plus dures des contrats d’amodiation réduisent à peu près les classes agricoles au strict nécessaire, mais les maisons sont en général bien aérées et bien tenues, parce que l’élève du ver à soie exige de la propreté. En résumé, la plupart des cultivateurs non-propriétaires mènent, comme partout, une vie de privations ; mais, sauf dans les mauvaises années, l’extrême misère est exceptionnelle ; elle ne se rencontre que dans quelques districts d’un sol rebelle, à l’ouest de Milan et dans la province de Brescia.