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dans les affaires d’Italie. Les avertissemens ne suffiraient pas et n’épargneraient point au gouvernement les embarras de cette polémique regrettable, car enfin il n’est pas de gouvernement, si fort et si bien doué qu’il soit, qui puisse prétendre à être le seul orateur et le seul publiciste d’un grand pays. Nous voudrions du moins, quant à nous, que ces réflexions et l’expérience présente accrussent, même autour et au sein du gouvernement, le nombre, qui grossit heureusement chaque jour, des esprits qui pensent que c’est par une diversion au dedans qu’il faut au moins balancer les difficultés extérieures actuelles, et qu’une extension de notre vie publique intérieure serait aujourd’hui la meilleure défense contre des entraînemens belliqueux et la garantie la plus solide de la conservation de la paix.

C’est surtout dans les affaires d’Italie que nous verrions avec douleur se produire l’antagonisme de la France et de l’Angleterre. L’opinion libérale en France a toujours professé à l’égard de l’Italie le principe que soutient en ce moment la presse anglaise. Ce principe simple, empreint d’une véritable prudence et d’une manifeste justice, est la sauvegarde des peuples faibles et des nations poussées aux révolutions par les fautes de leurs gouvernemens : c’est le principe de non-intervention. Si, dans leurs rapports avec les petits états et avec les peuples mal gouvernés, les grandes puissances méconnaissent ce principe, elles se condamnent à de pénibles contradictions et à d’inextricables embarras. Les malheurs de l’Italie avant la dernière guerre étaient la conséquence de la violation du principe de non-intervention érigée en système par l’Autriche. La conséquence logique de la guerre entreprise par la France pour la délivrance de l’Italie devait être le triomphe du principe de non-intervention. Nous persistons à espérer, malgré les apparences contraires, qu’il est possible de prévenir l’avortement de notre entreprise, car les déclarations réitérées de l’empereur nous autorisent à croire qu’aucun rôle ne sera laissé à l’action d’une force étrangère dans la reconstitution de l’Italie. La confusion de la situation vient d’une part des engagemens pris à Villafranca en faveur de la restauration des archiducs, et de l’autre de la politique annexioniste de l’Italie centrale. Les engagemens de Villafranca, pour ce qui concerne la France, n’ont jamais impliqué à nos yeux les conséquences qu’en ont voulu tirer les Autrichiens : l’empereur a bien pu promettre qu’il emploierait son influence auprès des populations italiennes pour obtenir d’elles la restauration pacifique des princes déchus, il a pu même, si l’on veut, s’engager à ne pas reconnaître en Toscane tout gouvernement qui ne serait pas celui du grand-duc ; mais il n’a pas pu stipuler pour des tiers qui n’étaient point eux-mêmes partie au traité, il n’a pu stipuler pour les populations de l’Italie centrale comme il aurait eu le droit de le faire pour des contrées conquises par la France. C’était beaucoup sans doute que de donner à la restauration projetée des archiducs le poids de l’influence morale de la France ; mais cette influence morale devant seule être employée, toute intervention matérielle étant écartée, l’empereur reconnaissait implicitement le droit des populations de l’Italie centrale à disposer librement d’elles-mêmes. La stricte limite que la France a marquée à son action étant définie, il faut définir aussi la limite posée par la légalité européenne, que la France a le droit de revendiquer, au libre arbitre des populations italiennes. Il est reconnu par