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en a restreint la marche et l’énergie ; l’association, obligée de garder une attitude expectante, ne fait plus guère parler d’elle.

La question de réforme est cependant posée : elle est posée dans les esprits, car ceux même qui répugneraient le plus à une refonte radicale du pacte fédéral se sentent mal à l’aise dans les institutions actuelles ; elle est posée dans les faits, car plusieurs états secondaires ont présenté à la diète un projet de réforme partielle concernant l’organisation militaire de la confédération. On souhaite une réforme, personne n’en conteste la nécessité ; mais personne, que nous sachions, n’en indique avec netteté les moyens pratiques. Tout le monde sent que l’Allemagne pour son honneur, d’autres disent pour sa sécurité comme nation, a besoin de se mouvoir avec plus de promptitude et d’unité dans sa politique extérieure et dans son action militaire. La loi actuelle de la confédération a été trop souvent mise à l’épreuve pour que l’on puisse soutenir qu’elle répond suffisamment à ce besoin national. Mais comment concilier les intérêts compliqués et contraires qui s’agitent dans le lien si relâché de la confédération germanique ? Pour que la réforme fût efficace et sérieuse, il faudrait que chacun des petits états fit le sacrifice d’une partie de ses droits de souveraineté. Des maisons princières ne font jamais spontanément de tels sacrifices, car elles craignent, de concession en concession, d’être entraînées à une abdication totale. De là cette obstination égoïste des petites cours allemandes à défendre l’intégrité actuelle de leurs droits souverains, de là encore cette politique d’autonomie à outrance entée sur une fureur de conservation que les Allemands désignent du nom de particularisme. Cette politique, dans ses exagérations, n’est pas seulement funeste aux intérêts généraux de l’Allemagne, elle est contraire aux intérêts des populations. Plusieurs des petits états sont très mal gouvernés ; tous sont gouvernés trop chèrement à cause de la multiplicité des listes civiles, qui imposent à l’Allemagne des frais généraux de gouvernement hors de proportion avec les ressources des peuples et les services administratifs réellement rendus. Les populations qui gémissent sous des gouvernemens impopulaires fournissent ses recrues au parti unitaire et invoquent l’hégémonie prussienne. Dans les états tolérablement gouvernés, les souverains font vibrer habilement au profit du particularisme ces cordes sensibles qui, par la diversité des religions, des mœurs, des traditions intellectuelles, attachent les populations aux agglomérats dont elles ont fait partie depuis des siècles. En somme pourtant, le penchant comme l’intérêt populaire inclinent décidément vers cette simplification de la machine fédérale, regardée par les cours comme une abomination et un danger révolutionnaire ; mais le particularisme des petits états trouve un appui contre cette loi de progrès, qu’il essaie de calomnier, en la dénonçant sous le nom de révolution, dans les vicissitudes de l’antagonisme des deux grandes puissances allemandes, la Prusse et l’Autriche. La légalité étroite qui régit la confédération a donc toujours pour elle la prépondérance des intérêts et des forces qu’elle a créés et qu’elle abrite. Il semble que, pour que cette légalité pût être réformée par les voies légales, il faudrait des miracles de sagesse et d’abnégation chez les princes, de patience et de docilité chez les peuples. À défaut de miracles, on ne peut compter que sur la préparation progressive