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aplatie, en lui offrant tantôt un côté de sa surface, tantôt l’autre côté. Peu à peu on pénétra dans les détails de ce qu’on pourrait appeler le monde saturnien, comme on a souvent dit, en parlant de Jupiter et de ses satellites, mundus Jovialis. Un prêtre d’Avignon, Gallet, découvrit en 1684 que Saturne n’est pas placé exactement au centre de l’anneau, mais que celui-ci est légèrement excentrique. L’anneau que Huyghens croyait simple se dédoubla devant Dominique Cassini en 1675, et plus tard William Herschel décrivit avec soin les deux anneaux, librement suspendus et séparés par un espace obscur. Nous en connaissons aujourd’hui parfaitement les dimensions : la distance de la planète à l’anneau lumineux intérieur est de 9,304 lieues ; les deux anneaux forment une espèce de ceinture double lumineuse qui n’a que 100 lieues environ d’épaisseur, bien que la largeur totale atteigne jusqu’à 11,918 lieues. Le 11 novembre 1850, M. George Bond, le fils et le collaborateur de M. William Bond, découvrit entre l’anneau intérieur et le corps de la planète un troisième anneau beaucoup plus sombre que les deux autres et pareil à une espèce de voile lumineux. Une ligne noire sépare cette bande sombre du deuxième anneau. Plusieurs observateurs ont aperçu des lignes noires et des divisions sur les anses des anneaux lumineux : les nombreux dessins qui accompagnent le beau mémoire de M. G. Bond en montrent fréquemment ; ainsi nous y voyons parfois jusqu’à trois lignes noires bien définies sur l’anneau lumineux extérieur, et souvent on voit un très grand nombre de subdivisions très rapprochées marquées sur la partie intérieure du deuxième anneau lumineux.

De quelle façon peut-on concevoir que cette grande ceinture isolée, suspendue autour de Saturne, puisse se tenir en équilibre ? Pour faire comprendre les difficultés qui enveloppent cette question, je ne puis mieux faire que d’emprunter à l’un des maîtres de l’astronomie moderne le passage suivant : « Pourquoi une clé de voûte, dit M. Arago, n’obéit-elle point à l’action de la pesanteur terrestre qui la sollicite à tomber ? C’est que, par sa forme, elle ne pourrait se détacher de la voûte qu’en écartant les deux voussoirs voisins avec lesquels elle est en contact. Sa tendance à tomber vers le centre de la terre se transforme donc en deux pressions exercées à droite et à gauche sur les deux voussoirs voisins ; mais sur une voûte qui ferait, à une certaine hauteur, le tour entier de la terre, chaque voussoir pouvant être considéré comme clé de voûte, l’ensemble de l’édifice resterait donc intact, toutes les pressions dont nous avons parlé s’équilibrant entre elles réciproquement. Ainsi l’existence momentanée d’une voûte formant une couronne équatoriale autour de la terre, et sans appui ou pied-droit,