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sous la forme d’impressions de voyage et comme l’accessoire des récits plus ou moins comiques dont les mœurs étranges de la Chine ont de tout temps fourni l’inépuisable matière. Après avoir mis en mouvement les ambassades et les escadres de l’Angleterre, de la France, de la Russie et des États-Unis, la question chinoise a produit un grand nombre de rapports et de dépêches diplomatiques ; elle a figuré avec éclat dans les discussions du parlement anglais, elle remplit enfin tout un blue-book. C’est dans ce document officiel, comprenant de 1857 à 1859 la correspondance de lord Elgin, qu’on peut l’étudier de la manière la plus complète et la plus sûre. Les difficultés ou, pour mieux dire, les extrêmes délicatesses des rapports à entretenir avec la Chine et son gouvernement s’y trouvent clairement indiquées ; les obstacles contre lesquels l’escadre anglaise s’est récemment heurtée devant le Pei-ho y sont prévus et annoncés dans les dépêches des mandarins. Il est donc nécessaire, pour bien comprendre la situation actuelle, de reprendre l’historique de l’expédition à la fois diplomatique et militaire de 1857. Nous avons déjà commencé ce travail d’après la relation du correspondant du Times[1] ; nous avons assisté avec M. Wingrove Cooke aux débuts de la campagne et au siège de Canton. Nous pouvons maintenant, à l’aide des dépêches de lord Elgin, poursuivre et compléter ce récit.

En France, quelques pages ont déjà été détachées du blue-book consacré aux affaires de Chine, et, selon l’usage, on a choisi celles qui devaient, à travers une traduction triviale et peu exacte, égayer le lecteur plutôt que l’éclairer. Cette publication a produit en Angleterre une impression toute différente. Depuis quelques années, les Anglais ont cessé de ne voir dans les hommes et les choses du Céleste-Empire que des motifs de narrations grotesques. Un pays qui fait avec eux d’immenses affaires, qui leur vend le thé et la soie, qui subventionne en quelque sorte, par ses achats d’opium et de tissus, le budget de l’Inde ainsi que les manufactures de la métropole, un tel pays leur semble très sérieux. Restaient quelques vieilles plaisanteries stéréotypées à l’adresse des soldats et des canons chinois ; depuis le combat du Pei-ho, elles ont perdu tout leur sel. Les Anglais ont lu la correspondance de lord Elgin avec la pensée d’y découvrir, par les discussions dont elle rend compte et dans les documens chinois qu’elle reproduit, les sentimens et les idées qui inspirent le gouvernement du Céleste-Empire dans la direction de sa politique étrangère. À la veille d’entreprendre une

  1. Un Historiographe de la presse anglaise dans la dernière guerre de Chine, livraison du 15 juin 1859.