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LA
NOUVELLE-GRENADE
PAYSAGES DE LA NATURE TROPICALE

I.
LES CÔTES NEO-GRENADINES.




Il y a quatre ans à peine, en 1855, un projet d’exploitation agricole m’amenait dans la Nouvelle-Grenade. J’en revins sans avoir réalisé ce que je regardais avant le départ comme le principal objet du voyage, heureux cependant d’avoir visité cette admirable contrée. En revoyant la France, il me sembla que les souvenirs d’un séjour de deux années dans l’une des régions les moins connues de l’Amérique pourraient apporter quelques informations utiles au milieu du mouvement d’émigration qui n’a pas cessé, depuis près d’un demi-siècle, d’agiter les populations européennes.

D’autres spectacles que ceux de la nature vierge, si magnifiques qu’ils soient, m’étaient d’ailleurs restés dans la mémoire. J’avais pu admirer une terre jeune encore, et puissamment fécondée par les caresses brûlantes du soleil. J’avais pu voir l’antique chaos à l’œuvre dans les marécages où pullule sourdement toute une vie inférieure. À travers d’immenses forêts qui recouvrent d’une ombre éternelle des territoires grands comme nos royaumes d’Europe, j’avais pénétré jusqu’à ces hautes sierras qui se dressent comme d’énormes citadelles dont les créneaux sont les glaces mêmes du pôle.