Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/744

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour la défense du dictateur de Florence, qu’il a révélé depuis plusieurs mois des qualités qui ne lui permettent guère de devenir le simple subordonné de M. Boncompagni. Le baron Ricasoli, avec sa vigueur féodale, est comme un homme du XVIe siècle transplanté dans notre civilisation : il est un des caractères les plus saillans qu’ait produits la révolution italienne ; mais enfin ses répugnances ont cédé comme celles de l’Autriche, et grâce aux concessions qu’il a su faire, qui ont dû lui coûter beaucoup en effet, le danger d’une dissidence éclatant entre la Toscane et le reste de l’Italie centrale, entre Florence et Turin, est aujourd’hui conjuré. Parmi les concessions personnelles qui ont empêché la crise d’avoir de redoutables conséquences, il faut compter aussi en première ligne la retraite du général Garibaldi. La démission du général, garantie d’ordre dans le présent, sert aussi pour l’avenir la cause de l’Italie, car elle laisse entrevoir les extrémités que l’on affronterait, si, en négligeant leurs vœux, on exposait les Italiens aux tentations du désespoir.

Le congrès trouvera sans doute le parlement piémontais rassemblé, et les vœux de l’Italie auront là un organe public et retentissant. Du reste, les dispositions de l’Italie centrale demeurent inébranlablement contraires aux restaurations. Les témoignages d’observateurs très modérés, et très peu enclins aux illusions et aux partis extrêmes, nous dépeignent l’antipathie contre le grand-duc comme ayant pris en Toscane un caractère plus déterminé et plus général. Toutes les classes se prononcent contre l’ancien ordre de choses. On ne pardonne pas à la maison de Lorraine d’avoir retiré la constitution, d’avoir appelé les Autrichiens en 1849, lorsque le pays lui-même avait accompli spontanément la restauration, d’avoir ruiné les finances pour payer l’armée étrangère, aboli la loi léopoldine pour faire un concordat avec Rome, supprimé la loi municipale, ruiné l’université de Pise et laissé systématiquement péricliter les institutions d’instruction publique par lesquelles la Toscane avait exercé si longtemps une éclatante influence sur la culture intellectuelle de l’Italie. La force du gouvernement actuel est très grande, et nous n’avons pas de peine à le croire. C’est en effet un gouvernement national, composé d’honnêtes gens et d’administrateurs éclairés, qui représente une grande réparation faite au patriotisme de la Toscane. Aussi nous assure-t-on que ce n’est point la situation de ce pays qui doit alarmer les amis de l’Italie, que le provisoire n’est point dangereux pour lui, et qu’il vivra parfaitement et tant qu’on voudra sous son régime actuel. Il n’est peut-être pas permis d’avoir la même confiance pour les Romagnes ; il sera pourtant difficile au congrès de surmonter la résolution que témoignent les Romagnols contre une restauration pontificale. Le gouvernement des Romagnes vient de publier une note circulaire à ses agens à l’étranger qui est un plaidoyer, suivant nous irréfutable, en faveur de l’indépendance de cette province. Il ne sera permis à personne de voir dans cet écrit un factum révolutionnaire. Par l’élévation de la pensée, la force de l’argumentation, l’abondance et le caractère des preuves, la dignité du ton et la fermeté modérée du langage, c’est un véritable papier d’état et un des plus remarquables qu’il nous ait été donné de lire depuis longtemps. Devant une réunion de véritables hommes d’état, devant cette assemblée de gentlemen