Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/761

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rassemblant les faits, le professeur OWen établit que le labyrinthodon et le cheirotherium étaient un seul et même animal. Il respirait l’air libre et appartenait à la famille des crapauds ou des grenouilles ; mais c’était, si on le compare aux batraciens modernes, une créature gigantesque. La fable de la grenouille voulant se faire aussi grosse que le bœuf n’est un mythe que relativement à l’état présent de la nature. De nombreuses tortues, le rynchosaurus, le labyrinthodon, tels étaient, avec d’autres animaux sans doute dont les débris n’ont pas encore été retrouvés, les étranges habitans que cette ancienne Mer-Rouge vit errer sur ses rivages, dans un temps où l’homme n’existait point et où sa place était occupée à ’la surface de la terre par des reptiles.

Ce qui était une mer est devenu par la suite des temps un amas de roches. Pour expliquer cette métamorphose des océans en terres fermes, les géologues ont imaginé toute sorte de forces violentes et merveilleuses à l’aide desquelles le lit primitif des eaux aurait été soulevé. Aujourd’hui tout porte à croire que les causes naturelles qui altèrent encore sous nos yeux les traits physiques du globe ont suffi à produire ces grandes transformations. Les rivières détruisent continuellement les montagnes où elles ont pris leur source, elles usent les terres qu’elles arrosent, et voiturent tous ces matériaux dans la mer. Les marées emplissent les bras de l’Océan, des courans en sens contraire creusent à un endroit donné le lit des vagues, tandis qu’ils portent sur d’autres points d’énormes accumulations de sable. Un voyageur raconte avoir vu, dans les Highlands et dans certaines îles de l’Ecosse, les mers qui baignent les côtes de l’ouest obscurcies par une multitude de petites spirales vivantes. C’était une boue d’animaux à peine visibles. Ces grains de sable brillans et organisés étaient des ouvriers occupés à construire des terres. Leur tâche est de courte durée : ils naissent le lundi matin pour mourir le vendredi soir ; mais leur nombre est si considérable, que ce voyageur les compare aux cheveux de tous les hommes, de toutes les femmes et de tous les enfans qui ont vu le jour depuis le commencement du monde. Ces architectes renaissent d’ailleurs de génération en génération, et leur œuvre se continue. De telles actions naturelles supposent sans doute le concours du temps ; mais tout démontre aussi que les roches, filles des anciennes mers, ont été durcies avec la poussière des siècles. L’épaisseur de toute la série du nouveau grès rouge est évaluée en Angleterre à dix-huit cents pieds : si l’on songe aux grains de sable enfouis dans cette masse, si l’on admet qu’une telle stratification est l’ouvrage des causes naturelles, on s’épouvante en quelque sorte de l’antiquité d’une roche à laquelle le langage humain a donné le nom de nouvelle par opposition à un autre dépôt