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était célèbre depuis des siècles pour ses manufactures de gants, et que dans ce temps-là le commerce n’était point libre. Le droit d’exercer n’importe quel trafic était un privilège réservé seulement aux bourgeois qui étaient nés dans l’enceinte de la ville. Durant la foire, au contraire, tout le monde pouvait s’établir marchand, et le gant suspendu était le signal qui proclamait cette liberté temporaire du commerce. L’usage durait depuis des siècles, lorsque le reform-bill, cet ennemi juste et acharné des antiques monopoles, étendit en 1832 les mêmes droits durant toute l’année aussi bien aux étrangers qu’aux enfans de Chester. Les autorités de la ville n’en continuèrent pas moins pendant quelque temps d’arborer l’ancienne bannière, — le gant, — hors du mur d’enceinte. J’ai vu moi-même cette cérémonie publique, réminiscence d’un autre âge, et c’est seulement depuis une vingtaine d’années que la coutume a été abolie. »

Avant de me quitter, ce promeneur enthousiaste me recommanda surtout de visiter les Rows. C’est en effet une des curiosités de Chester, et rien de tout à fait semblable ne se rencontre dans les autres villes du monde. Chaque côté de la rue a deux rangées de boutiques ; l’une au rez-de-chaussée, l’autre au premier étage : celles d’en bas sont naturellement de plain-pied avec la rue ; à celles d’en haut on communique par des galeries supérieures. Ces galeries, auxquelles on monte par des escaliers de pierre placés de distance en distance, sont ce qu’on appelle les Rows. Le toit des boutiques du rez-de-chaussée constitue la plate-forme sur laquelle on marche, et qui règne de maison en maison sur toute la longueur de la rue. D’un côté, le plafond de la galerie se trouve soutenu par des piliers en bois plus ou moins sculptés, et de l’autre côté il s’appuie sur la devanture des magasins. Ces magasins du premier étage se louent plus cher que les boutiques auxquelles on les voit superposés ; ils sont aussi d’un style plus riche et plus orné. Les Rows se trouvent recouverts par les étages supérieurs de chaque maison. Ces espèces de cloîtres rendent ainsi plus d’un service : grâce à eux, les habitans peuvent aller d’un bout à l’autre de la rue sans s’exposer à la pluie ni à la boue. Ces rues abritées et suspendues conviennent à l’étranger oisif ; il peut se promener, s’arrêter çà et là aux vitres des boutiques, ou, les coudes appuyés à la balustrade de bois, observer ce qui se passe sur la voie publique. Pour l’artiste, de tels passages, empreints d’un caractère à la fois élégant et cénobitique, ont le charme de la nouveauté.

À l’extérieur, ce premier étage, ouvert sur la rue, et le long duquel cheminent les passans, donne à l’architecture des maisons un air étrange ; à l’intérieur, les vieilles arcades, où se répand une lumière discrète, ne manquent pas non plus de physionomie. Ce qui