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la région minière, à Copiapo, une école des mines, pourvue d’un beau laboratoire de chimie, compte déjà une cinquantaine d’élèves malgré la fièvre révolutionnaire qui a sévi particulièrement dans cette province. On a construit un édifice convenable, on achète de meilleurs instrumens pour un observatoire astronomique qui publie en ce moment, et pour la première fois sans doute dans l’Amérique du Sud, un recueil d’observations célestes de 1853 à 1855. Un musée national, consacré particulièrement aux collections d’histoire naturelle, s’enrichit par des échanges avec les musées étrangers. Il faut aussi mentionner comme point de départ un conservatoire de musique et une école des beaux-arts dont les élèves reçoivent un encouragement de 50 francs par mois, lorsqu’ils ont eu trois fois de suite la première place dans les concours.

Le foyer de cette émulation, le centre lumineux, c’est l’Institut national. Cet établissement, organisé à peu près comme notre Collège de France, correspond à nos facultés universitaires pour l’enseignement supérieur ; mais il devient une espèce d’académie libre par la confraternité intellectuelle qui subsiste entre les hommes éminens qui y ont professé. Les cours ont été suivis l’année dernière par 206 jeunes gens de seize à vingt-huit ans, tous externes. Le cadre de l’enseignement est large et très varié : il y a des classes pour toutes les divisions de la science des lois, pour le droit naturel et international, l’économie politique, les sciences mathématiques, physiques ; on élargit en ce moment le cadre des études médicales. Le gouvernement est très attentif à combler les lacunes de ce programme : il y a en ce moment des crédits votés pour de nouvelles chaires où on enseignera l’agriculture théorique et pratique, l’exploitation des mines, la confection des ponts et chaussées. On songe aussi à créer une chaire de haute littérature, comme pour corriger l’âpreté de l’analyse scientifique, en accoutumant les esprits à la généralisation des idées. En même temps que les livres, on emprunte très volontiers à l’Europe des professeurs. L’Institut chilien est pour ainsi dire le trait d’union qui rattache la jeune république au mouvement intellectuel du vieux monde.

Quelques chiffres empruntés au budget vont marquer plus nettement encore le progrès des dernières années. En 1851, l’état dépensait pour l’instruction publique en général 840,900 francs, dont 63,500 francs seulement pour l’Institut national. Les dépenses correspondantes pour 1859 s’élèvent à 2,882,140 francs : la dotation de l’Institut est portée à 375,750 francs. La somme consacrée spécialement à l’enseignement du peuple est déjà de 1,503,655 francs, et un projet de loi soumis au congrès doit avoir pour effet d’augmenter largement cette subvention au moyen d’une taxe spéciale.